Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 27 avril 2015

Volonté

Nelly et Sylviane discutent de leurs enfants préadolescents.

-« Joachim a beaucoup de volonté, explique Nelly. Quand il a décidé de faire quelque chose, il le fait. Souvent il m’étonne : s’il rencontre des obstacles, il serre les dents, il les surmonte et va jusqu’au bout de ce qu’il a décidé.

- C’est un peu le contraire pour Valéry, soupire Sylviane : je trouve qu’il n’a aucune volonté. Il est influençable, il ne sait pas ce qu’il veut. Il me donne toujours l’impression de suivre l’avis du dernier qui a parlé.

- Je suis assez fière de Joachim, même si parfois c’est un peu difficile. L’autre fois, il voulait absolument se rendre chez un copain qui l’avait invité alors qu’il n’avait pas fini ses devoirs. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m’a répondu : parce que je le veux, un point c’est tout !

- Je ne suis pas si fière de Valéry, il me paraît mou. J’essaye de le secouer, de le pousser à faire ses choix et être plus volontaire, mais j’ai bien du mal… »

Qu’est-ce que la volonté, au fond ? Concrètement, cela paraît facile à définir : la volonté est le libre choix de faire ou ne pas faire quelque chose, décidé après réflexion, en ayant pesé les conséquences de cette décision.

Mais dans la réalité quotidienne, nous constatons qu’une décision volontaire va être influencée par différents facteurs. D’une part, les circonstances extérieures : par exemple l’invitation du copain de Joachim, qui agit comme un déclic. Et d’autre part, l’état interne de la personne : son humeur, son état de stress, de fatigue ou de forme, sa vision du monde, son tempérament… Par ailleurs, nous pouvons avoir des motifs d’agir moins avouables que ce que nous laissons paraître : la peur du ridicule, le désir de prendre sa revanche, le besoin irrépressible d’avoir toujours raison…

L'enfant aura-t-il la volonté d'attendre comme prescrit
dans l'exercice, ou bien mangera-t-il la friandise ?
Une bonne proportion de nos actes sont automatiques : habituellement nous ne réfléchissons pas à notre façon de respirer, de marcher, ou même d’engager une conversation anodine avec quelqu’un. D’autres au contraire sont pesés et réfléchis : ils sont dits volontaires. Mais la différence entre les deux n’est pas si nette. Quand Joachim répond « parce que je le veux ! », on peut se demander si c’est vraiment une décision volontaire ou s’il cède inconsciemment à un désir. Dans ce dernier cas, peut-on encore parler de libre choix ? 

D’une manière plus large, supposons que Joachim choisisse de faire des études de médecine pour exercer plus tard ce noble métier qui consiste à sauver des vies. Il va devoir étudier, faire des efforts pendant de nombreuses années, tendu vers le but à atteindre. Mais toutes ces actions volontaires de Joachim sont liées au besoin de surpasser son père, lui-même médecin, pour compenser un puissant sentiment d’infériorité. Dans cette démarche volontaire viennent donc se mêler conscient et inconscient.

Nous pourrions multiplier les exemples : dans la plupart de nos décisions volontaires, nos raisons conscientes se mélangent avec d’autres plus inconscientes, nos désirs, nos besoins, nos systèmes de valeurs.


Renaud CHEREL


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    Oui je peux !
    Prise de décision
    Améliorer sa prise de décision
    Peut on exercer sa volonté?

lundi 20 avril 2015

Regards par la fenêtre

Quoi de plus banal qu’une fenêtre ? Dans notre environnement occidental, pratiquement toutes les habitations en sont pourvues – peu de gens habitent dans des cavernes, des igloos ou des huttes sans ouvertures – et nous n’y prêtons guère attention.

Pourtant, nos fenêtres ont derrière elles une histoire longue et complexe. Au départ, il s’agissait d’ouvertures percées dans une paroi afin de laisser pénétrer la lumière à l'intérieur – ou éventuellement de pouvoir lancer un projectile à l’extérieur. Mais l’inconvénient d’une ouverture permanente, c’est qu’elle favorise des échanges de chaleur indésirables avec l'extérieur, et offre peu de protection contre les intempéries ou les visiteurs importuns.

On a remédié à ces désagréments en ajoutant des volets en bois : ceux-ci assuraient la protection, mais ne laissaient pas passer la lumière. Puis on a pensé à munir le cadre de la fenêtre de peaux d'animaux grattées et tendues, après les avoir trempées dans l’huile pour les rendre translucides et imperméables. Cependant, ces peaux n’étaient pas transparentes : il a fallu attendre l’invention du verre pour que la fenêtre permette de voir parfaitement à l’extérieur tout en conservant son rôle de protection.

Aujourd'hui, la fenêtre joue un rôle essentiel dans notre vie quotidienne, individuelle et sociale : source de luminosité, de visibilité, de communication, elle est aussi frontière entre deux espaces mitoyens, entre l’intérieur et l’extérieur.

Vue de l’extérieur, la fenêtre constitue un élément de décoration de la façade et contribue à déterminer le caractère du bâtiment.
En s'intégrant harmonieusement, les fenêtres
contribuent au caractère de cette maison.

De l’intérieur, chaque fenêtre ouvre sur un ailleurs, donné à contempler. Mais le cadre de la fenêtre fragmente cette réalité extérieure, qui n’est pas toujours visible ou ne l’est que partiellement ; il insère la scène dans un contour et sert de tremplin à l’imaginaire. Interface entre deux univers, celui du dehors et celui du dedans, la fenêtre peut ainsi donner lieu à un double jeu, entre regardant et regardé, entre exhibition et dissimulation.

La fenêtre apporte une valeur ajoutée à la résidence
en l'ouvrant sur un ailleurs qui fait rêver.
D’où la très riche symbolique de la fenêtre. Les artistes l’ont très vite compris et s’en sont emparés : la fenêtre, en proposant une vision du monde, peut devenir métaphore de l’œil, de son regard, et au-delà, de l’activité créatrice même. Le tableau du peintre peut être vu comme une fenêtre, ouverte sur le monde extérieur ou au contraire sur l’intériorité du sujet.

La fenêtre a aussi été perçue comme un lieu privilégié de l’échange amoureux : traditionnellement, la femme à l’intérieur de la maison s’expose ou se laisse apercevoir, à travers le cadre de la fenêtre, par l’homme situé à l’extérieur, dans un jeu de séduction réciproque. Elle se met alors en danger d’être extraite de ce cadre protecteur, d’autant plus si les personnages n’appartiennent pas au même monde. Les scénarios ont beaucoup évolué dans ce domaine, mais la symbolique demeure.
Extrait de "Femme à la fenêtre" de Dali.

La fenêtre peut représenter encore la frontière entre enfermement et liberté. Les mots eux-mêmes que nous employons peuvent être assimilés à des fenêtres ouvertes ou fermées, donnant un aperçu de notre monde intérieur, ou bien au contraire enfermant l’autre dans des jugements ou des préjugés.

Et vous, quel regard portez-vous sur les fenêtres ?


Renaud CHEREL

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    La notion d'enfermement 
    Dedans, dehors

lundi 13 avril 2015

Extraversion, introversion

Des amis échangent autour d’un bon repas.

Wandrille, le verbe haut, le geste expansif, parle beaucoup et se tourne vers les autres convives : « Vous ne savez pas la dernière qui m’est arrivée ce matin ? Je vais vous raconter… Mais d’abord, Milon, sers-moi encore de ton excellent vin… On a embouti ma voiture alors qu’elle était garée sur le parking de l’entreprise ! Heureusement, un collègue m’a prévenu, je suis descendu tout de suite. Le type qui m’a fait ça, il m’a entendu, je vous le promets ! »

Milon, qui a servi le vin à la cantonade, reste assis à écouter Wandrille. Il aime bien l’ambiance de ces repas entre amis et s’attache à observer les comportements de chacun. Il envie secrètement l’aisance de son ami, capable d’attirer l’attention dans toutes sortes de rencontres sociales, ce dont lui, Milon, n’est pas capable.

Suzy éclate de rire : « Sacré Wandrille ! Il n’y a pas qu’à toi que les ennuis arrivent ! Il m’est aussi arrivé une aventure avec ma voiture il n’y a pas longtemps : en sortant du travail, je ne l’ai plus retrouvée dans la rue, elle était partie à la fourrière. Heureusement, j’ai averti un bon copain qui m’a dépannée, j’ai pu la récupérer dans l’heure… »

Rachel, plutôt silencieuse, trouve Wandrille un peu trop encombrant et la soirée trop bruyante ; elle a besoin de calme pour se ressourcer. Elle profite d’un blanc dans la conversation pour glisser : « Je suis désolée, je dois vous laisser, j’ai une grosse journée demain… » Elle s’éclipse avant que les autres n’aient eu le temps de réagir.

Certains d’entre nous sont plutôt enthousiastes, bavards, et prennent plaisir à participer à des activités en groupe, à des fêtes ou à des manifestations publiques : ils sont à tendance extravertie. 

L’extraversion (du latin extra- et vertere, se tourner vers l’extérieur) a été étudiée par le psychologue Jung dans les années 1920 à partir de catégories énoncées par Platon. L’extraverti s’oriente d’après les faits extérieurs donnés ; il montre une grande facilité à établir des contacts avec ceux qui l’entourent et il exprime aisément ses sentiments. Dans notre exemple, Wandrille et Suzy ont des comportements extravertis.

L’extraverti se ressource en participant à des événements ou à des activités très diverses. Il aime être avec les autres, attirer leur attention, les motiver. Il a tendance à agir d’abord et analyser ensuite ; et il analyse mieux un problème quand il peut en parler avec d’autres et entendre leurs réactions.

D’autres au contraire, comme Rachel ou Milon, sont dits introvertis : ils sont plus réservés et moins bavards en groupe. Bien qu’ils puissent apprécier des activités entre amis, ils préfèrent souvent des activités solitaires comme la lecture, la peinture ou l’écriture, l’utilisation d’un ordinateur, ou encore la pêche. Ils ont tendance à observer et analyser la situation avant d’y participer. Pour l’introverti, un monde intérieur interfère entre lui et la donnée extérieure objective.


Ceci dit, il existe tous les degrés intermédiaires entre introverti et extraverti. Où vous situez-vous ?


Renaud CHEREL


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    Locus de contrôle 
    Question de référence
    Dedans, dehors



lundi 6 avril 2015

Autocritique et perfectionnisme

Des amis se retrouvent sur une façon de fonctionner assez voisine.

Hedwige : « Moi, j’ai fortement tendance à m’autocritiquer : j’ai en permanence un tribunal dans ma tête, comme une petite salle d’audience à l’intérieur de moi-même où se passent des jugements ; et la plupart du temps, ces jugements sont négatifs. »

Gabin : « Pour moi, c’est le souci de perfection permanent. J’ai toujours cru que tout le monde avait envie d’être parfait… Et je me suis rendu compte que non, ce n’est pas du tout évident, on n’est pas parfait. Je suis toujours dans l’autocritique, le doute, la colère. »

Émilienne : « Je suis comme toi, j’ai une attention très forte aux petits détails : que tout soit rangé à la maison ; l’exigence sur les résultats scolaires de mes enfants (j’étais institutrice avant…) Je suis dans la peur de l’échec et l’autocritique en permanence : j’aurais pu mieux faire… j’aurais dû mieux faire… »

Désiré : « J’ai en moi une jauge permanente, une évaluation incessante de toute situation, de toute action à prendre. Au travail, ça n’est remis que si j’estime que c’est parfait. Si quelqu’un fait une critique sur ce travail, pour moi c’est une critique personnelle. Mais je ne le montre pas ; je le garde à l’intérieur, car ça ne se fait pas. »

Avoir un regard critique sur soi, c’est une bonne chose, à condition que cette autocritique ne dépasse pas un certain seuil que je qualifierai de destructif. Être critique par rapport à soi-même, c’est être capable de discerner et de reconnaître ses propres limites. Cela s’inscrit dans la reconnaissance de la finitude humaine en général, et de la sienne propre en particulier. L’autocritique qui me permet de reconnaître mes erreurs tout en conservant l’idée que je demeure perfectible est une démarche constructive : elle me permet de discerner et de mettre en œuvre, seul ou avec l’aide de tiers, des améliorations possibles dans mes attitudes et comportements. Par contre, en dépassant ces limites, en me dévalorisant sans cesse, je risque de tomber dans un excès nocif, à la fois pour moi-même et pour les autres.

L’autocritique constante est souvent liée au perfectionnisme, ce souci d’être parfait dans tous les domaines et en toutes circonstances. Ce type de fonctionnement génère souvent anxiété et frustration, aussi bien au travail que dans la vie personnelle et sociale, ainsi qu’une colère souvent contenue mais parfois explosive. Perfectionniste, j’ai l’impression de ne jamais en faire assez, de toujours pouvoir et devoir faire mieux, et je développe un sentiment diffus de culpabilité. Il m’arrive de me sentir coupable pour avoir négligé des détails que les autres ne perçoivent même pas ; d’ailleurs, dans la plupart des cas, ils ne comprendraient pas, même si je leur montrais. Car ce juge impitoyable est à l’intérieur de moi-même.


Accepter de ne pas être parfait, faire du mieux possible et prendre avec simplicité – voire avec humour – les erreurs ou les imperfections résiduelles, c’est une façon de vivre plus harmonieusement ce que j’ai à vivre.


Renaud CHEREL


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    Sortir d'une autocritique malsaine 
    Faut-il chercher la perfection?