Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 24 février 2014

Les plus beaux sont-ils les meilleurs ?

L’apparence ne laisse jamais indifférent, et l’on a tendance à juger favorablement les personnes au physique agréable. Cette association spontanée et souvent inconsciente remonte aux temps les plus anciens : on en retrouve de nombreux exemples dans l’Antiquité, et dans toute l’histoire du Moyen-âge à nos jours. Dans la plupart des histoires traditionnelles et des contes, les méchants sont laids et les bons sont beaux, et ces codes ont été repris largement au cinéma et à la télévision. Quelques contes, comme « Le vilain petit canard », « La belle et la bête », « Riquet à la houppe » insistent bien sur le fait que l’individu laid n’est pas forcément méchant ou bête. Mais ces exemples sont rares et même dans ces contes-là, la beauté est implicitement liée aux qualités morales de la personne : à la fin du conte, le petit canard s’avère être un beau cygne, la Bête se transforme en prince charmant et Riquet devient beau par le charme de la belle qui l’épouse.

Riquet à la Houppe (illustration J. Lagarde)
Dans notre société actuelle, où l’apparence compte beaucoup, les personnes au physique avenant sont très favorisées, bien plus qu’on ne le croit généralement. De nombreux tests menés par les psychologues montrent que, dans pratiquement tous les domaines, les beaux sont jugés supérieurs aux laids :
- les belles personnes seraient plus sociables, avec une sexualité plus épanouie ;            
- elles seraient plus équilibrées, avec une meilleure santé mentale ;        
- elles auraient plus d’autorité naturelle ;    
- elles seraient plus intelligentes et leur opinion aurait plus de poids ;     
- etc., la liste est très longue ; au final les beaux seraient plus heureux que les laids. La seule qualité non reconnue chez ces personnes, c’est la modestie !

La Belle et la Bête (Walt Disney)

Cette tendance aux préjugés favorables à l’égard des beaux est suffisamment forte pour avoir suscité de nombreux proverbes ou adage destinés à les combattre, comme : « l’habit ne fait pas le moine », ou bien : « tout ce qui luit n’est pas or ». Mais dans la réalité, les stéréotypes demeurent très fortement ancrés, et la prime à la beauté fonctionne dès l’enfance : les beaux enfants bénéficient de plus d’attention et de bienveillance et sont privilégiés dès la maternelle par les enseignants. Au cours de leur parcours scolaire, ils se trouvent plus stimulés et récompensés. Un cercle vertueux s’enclenche : ces enfants acquièrent une meilleure confiance en soi, qui à son tour leur permet de progresser davantage que ceux jugés laids.

La discrimination se poursuit au-delà de l’école : l’apparence extérieure influe lourdement sur les recrutements. Les particularités physiques et l’aspect vestimentaire ont un poids variable selon les métiers : ils jouent davantage pour des postes de commerciaux ou de direction, moins pour des emplois administratifs ou de production. La beauté joue aussi auprès des collègues de travail et des supérieurs hiérarchiques. Il est vrai que les individus d’apparence agréable ont souvent développé des qualités de confiance en soi et de séduction recherchées par les employeurs ; mais on leur prête souvent
bien plus qu’ils n’ont...

Renaud CHEREL


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    Les critères de beauté physique
    Beauté, laideur
    Admiration
    Construire l'image de soi
    Quels jeux de rôles jouons-nous ?
    Suis-je ce que je possède?

Bibliographie
Jean-François AMADIEU : Le poids des apparences - Beauté, amour et gloire, éd. Odile Jacob, 2011 (1ère édition 2002), Paris, 199 pages.
L'auteur, professeur de sociologie à l'université Paris-I, démontre chiffres à l'appui combien notre apparence physique influence notre réussite, aussi bien dans le domaine scolaire que dans la vie amoureuse, professionnelle ou politique.

lundi 17 février 2014

Comparaison sociale

Nous avons vu dans le précédent article que la comparaison sociale était fréquemment toxique. Cependant, il nous faut bien reconnaître que nous nous trouvons bien souvent en situation de nous comparer à d’autres : peut-on parfois en tirer parti ?

Constatons d’abord que certaines personnes sont plus enclines à se comparer que d’autres, notamment celles qui ont une forte anxiété, une faible estime de soi, ou des tendances dépressives. Naturellement, les circonstances de la vie et l’environnement peuvent faire que la même personne soit plus portée à la comparaison dans certaines situations, par exemple en situation de stress, lors de l’advenue d’événements nouveaux, non anticipés, ou dans des moments d’incertitude.

Il existe trois manières de se comparer aux autres :

- La comparaison ascendante :
Comparaison avec quelqu’un que l’on estime supérieur à soi – au moins dans le domaine comparé. Ce type de comparaison n’est profitable que si la situation n’est pas ressentie comme menaçante. Alors, elle peut permettre, en facilitant l’identification à des modèles positifs et l’imitation des comportements qui mènent au succès, d’améliorer son image de soi et son niveau de confiance en soi, ainsi que de mieux préparer ses objectifs futurs et leur planification. Mais en cas de stress ou de forte implication, elle a des effets inverses, négatifs.

-"J'aimerais bien être aussi musclé que toi... Tu pourrais m'aider ?"
- La comparaison latérale :
C’est la comparaison avec ses pairs, c’est-à-dire à un groupe ou à une personne que l’on juge identique ou proche de soi dans le domaine de la comparaison. Nous l’utilisons très souvent dans la vie quotidienne pour confirmer nos opinions ou nos croyances : le fait de se trouver des « alliés » nous légitime et nous permet de nous sentir plus forts, notamment s’il faut faire face à des opinions contraires. Cette forme de comparaison nous permet aussi de valider nos goûts et nos choix en matière vestimentaire ou de mode de vie. Collectivement, la comparaison latérale va permettre de maintenir ou renforcer la cohésion sociale d’un groupe auquel nous appartenons.

-"J'ai l'impression d'être un peu différent des autres... Mais quoi ?"

À l’extrême, cette recherche de la similitude peut entraîner le rejet de toute déviance et amener le groupe à se refermer sur lui-même, au risque de devenir sectaire et intransigeant.

- La comparaison descendante :
On se compare alors à quelqu’un que l’on estime inférieur à soi. Elle peut être profitable après un échec ou une expérience négative. Par exemple, une personne atteinte d’un cancer peut se référer spontanément au cas de patients qui s’en sortent moins bien qu’elle. Cette comparaison rend l’expérience négative plus tolérable et renforce l’optimisme pour le futur. Mais ses effets sont néfastes si le sujet n’a pas de réponses pour résoudre la situation et si la comparaison perdure : il risque de s’identifier à un rôle de victime ou d’antihéros. Par exemple le fumeur dépendant qui rechute et se réfère à ceux qui ont rechuté.

-"Ok, j'ai recommencé à fumer.
Mais lui, c'est pire, c'est la quatrième fois..." 
Au final, les effets de la comparaison sociale dépendent pour une large part des ressources de la personne et de ses objectifs. Ils seront plus positifs si elle bénéficie déjà d’une bonne estime de soi et cherche à s’améliorer. 

Renaud CHEREL


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lundi 10 février 2014

Faut-il se comparer aux autres ?

Le "vilain petit canard" se compare défavorablement,
ignorant qu'il est un cygne
Gabrielle désire avoir un intérieur impeccable ; mais en même temps elle ne peut s’empêcher de se comparer à son amie Annick : « Je dois faire tant d’efforts pour maintenir une maison parfaite, alors qu’elle va faire son jogging le samedi matin ». Elle éprouve une certaine jalousie vis-à-vis de la liberté d’Annick, elle envie ce plaisir et ce bien-être qu’elle s’interdit à elle-même.

Bertrand explique : « Je crois au fond qu’être premier ce n’est pas pertinent ; mais en même temps je me compare aux autres et je vois que je ne suis pas le premier… Les autres, parfois je me dis que je suis capable de faire mieux qu’eux, mais finalement je fais moins bien. Du coup, j’ai un fort complexe d’infériorité ; je parais moins performant aux yeux des autres. »

Au vrai, nous dépensons beaucoup d’énergie à nous étalonner, à nous comparer aux autres dans bien des domaines. On peut arguer que c’est un moteur pour le petit enfant qui a besoin de repères pour progresser, et bien des parents utilisent la comparaison pour stimuler leurs enfants : « Je dis à ma fille qu’elle est meilleure que son frère, pour lui redonner confiance en elle », explique Victoire.

Pourtant, la comparaison, même quand elle est positive, est rarement constructive ; la plupart du temps, elle porte atteinte à l’estime de soi. Lorsque j’entre dans la boucle de la comparaison pour me comparer à quelqu’un, je me retrouve rarement à égalité : soit je me situe au-dessus, soit je me situe au-dessous de l’autre. Dans le premier cas, je peux facilement développer un sentiment de supériorité : « je suis meilleur que l’autre, je fais mieux, plus vite », ou plus parfaitement, ou plus efficacement. Le risque est que je ne perçoive plus l’autre que comme un moyen à ma disposition ou bien comme un obstacle à ma réussite, mais pas comme une personne à part entière.

Dans le second cas, c’est le contraire : je risque de développer un sentiment d’infériorité, qui peut m’envahir complètement : « je suis nul, je suis bon à rien ». Ce sentiment d’infériorité peut conduire à la jalousie, à la colère : je n’accepte pas que tel autre me surpasse dans tel domaine spécifique ; ou bien il peut conduire à un certain découragement, voire même à la dépression : « à quoi bon ? De toute façon, quels que soient mes efforts, je n’arriverai à rien, je suis trop nul ! » La comparaison est donc souvent un frein, et c’est certainement un obstacle au bonheur.

Voyons comment Elie se positionne : « Moi je ne me mesure pas aux autres, j’avance et j’essaye de solutionner les problèmes au fur et à mesure. Je ne cherche pas à me rassurer par rapport aux gens qui arrivent moins bien que moi ; j’admire les gens qui se débrouillent mieux que moi pour en prendre de la graine, je ne suis pas dans une logique de comparaison. »

Évitons la comparaison : c’est un poison !

Renaud CHEREL


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    Comparaison sociale

lundi 3 février 2014

Donner du sens au travail

Charlie Chaplin dans "Les temps modernes"
Il semble que la conception du travail, la valeur qu’on lui attribue, le sens même qu’on lui donne, ne sont plus tout à fait les mêmes aujourd'hui que pour les générations précédentes. La notion de travail qui, comme beaucoup d’activités humaines, tire sa plénitude de son exercice même, a été d’une certaine façon corrompue, dégradée lorsqu’on a progressivement séparé, à l’intérieur de l’entreprise, la conception de l’exécution : d’un côté le travail noble, intellectuel, et de l’autre la mise en œuvre, manuelle ou mécanisée. Cette séparation, qui tend à dévaloriser le travail manuel, dévalorise aussi l'acte de travail lui-même. Or, l’exercice du travail n’est pas sans connexion avec le sens de la vie humaine. Il y a même un lien extrêmement profond entre les deux, et l’affirmation, selon laquelle la société des loisirs est un idéal vers lequel tendre, pose bien des questions.

Pour beaucoup, la notion de travail est liée à des perceptions de plus en plus négatives, et les aspects contraignant deviennent primordiaux : le travail est perçu comme pénible, difficile, il réclame des efforts considérés de plus en plus comme des contraintes inacceptables.

Cette conception tend à limiter le travail à sa seule dimension alimentaire, alors que la vraie vie serait ailleurs. En conséquence, on peut être tenté de faire son temps de travail sans trop s’engager, d’arriver et de partir à l’heure. Car l’on ne commencera à vivre vraiment qu’une fois sorti, pendant son « temps libre », dans des loisirs estimés plus épanouissants.

Plus encore : fatigant, purement alimentaire, le travail peut être perçu comme un frein à la créativité. La séparation entre conception et réalisation oblige l’individu à s’inscrire dans un « process » où souvent l’acte posé a perdu son sens. Au niveau de la société tout entière, le travail apparait de plus en plus comme un mal nécessaire, un fardeau à alléger. Le temps de travail devient une marchandise comme une autre.

Pourtant, le travail demeure un moyen unique de se réaliser soi-même. En effet, on peut distinguer le travail au sens objectif, l’acte de transformation de la matière, et le travail au sens subjectif, l’acte par lequel la personne se réalise elle-même (individuellement et/ou collectivement) et contribue en quelque sorte à sa propre création.

Travailleur handicapé qui trouve une insertion sociale par le travail
Le travail permet à l’individu de répondre à ses besoins : si l’on reprend la classification de Maslow, ce sont d’abord les besoins physiologiques, puis les besoins de sécurité, mais aussi les besoins d’appartenance, ceux d’estime ou de reconnaissance, et enfin les besoins d’accomplissement. En travaillant, chacun contribue à la réalisation de sa propre humanité, à l’accomplissement de sa vocation en tant que personne. Finalement, ce n’est pas l’aspect financier, économique ou même le type de travail qui en fait la valeur, mais son sujet, c’est-à-dire la personne qui l’exécute, dans sa liberté. Liberté qui va avec responsabilité, comme le dit Saint-Exupéry : « Le simple berger lui-même qui veille ses moutons sous les étoiles, s’il prend conscience de son rôle, se découvre plus qu’un berger. Il est une sentinelle. Et chaque sentinelle est responsable de tout l’Empire ». (Citadelle)

Renaud CHEREL


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    Travail et loisirs