Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 30 avril 2012

Habitudes


Depuis huit ans qu’il a été embauché dans son entreprise et quelles que soient les circonstances, Emeric quitte son lieu de travail chaque jour à la même heure et prend le même train de banlieue. Il gagne sa petite maison en empruntant les mêmes rues et, une fois arrivé chez lui, ôte ses chaussures pour enfiler ses chaussons et s’installer devant la télé avec une bonne bière. Dans son quotidien, Emeric aime ainsi s’en tenir à des rituels qui, par leur régularité et leur répétition, le rassurent en quelque sorte.

Nous sommes des êtres d’habitudes, même si elles ne sont pas aussi marquées que celles d’Emeric : la vie nous amène à répéter certains comportements, certaines manières d’agir, qui deviennent quasi-automatiques et même Amandine en a, elle qui affirme détester les habitudes : elle ne peut s’empêcher de changer, de zapper, de passer rapidement d’une activité à l’autre… ce qui est devenu une habitude chez elle !

Suis-je comme la chenille processionnaire, qui a l'habitude de suivre
inconditionnellement celle qui la précède ? (Photo R. Cherel)
Les habitudes en soi ne sont ni bonnes, ni mauvaises. D’un côté, elles nous apportent de précieux avantages : la plupart de nos apprentissages ont été acquis par répétition, et donc sont constitué d’une certaine façon par des ensembles d’habitudes. Ces habitudes nous permettent d’avoir une meilleure efficacité, par exemple en gérant plusieurs choses en même temps, ou en anticipant ce qui va se passer ensuite. L’habitude est rassurante et nous aide aussi à affronter le quotidien : une situation habituelle est vécue comme moins stressante.

Mais l’habitude a aussi ses inconvénients : le fait même de moins stresser dans une situation habituelle peut m’amener à minimiser ou ignorer les risques qui y sont liés. Selon les assureurs, la majorité des accidents automobiles ont lieu près du domicile des conducteurs. Ainsi Hermann, accroché à son volant, qui s’étonnait d’avoir été percuté en sortant de sa rue sans respecter la priorité à droite : « ça fait des années que je fais comme ça et je n’ai jamais eu d’accident ! »

Et puis nos habitudes, qui nous font fonctionner sur un certain mode, peuvent finir par nous emprisonner et nous empêcher de discerner des alternatives à nos comportements. Ainsi en couple on peut vite entrer dans des fonctionnements habituels. Maëlle reconnaît : « Avec mon mari, comme d'habitude, je me sacrifie trop pour notre relation et je ne pense pas assez à moi. Cela va jusqu'à être jalouse du plaisir qu'il prend à regarder son match de football à la télé alors que moi je suis là, disponible, offerte, pour lui et lui seul… et il ne le remarque même pas, il n’a même pas un geste vers moi ! »

Tout cela est aussi vrai dans le domaine professionnel, où grâce à l’habitude nous sommes capables de gérer les problèmes de façon plus rapide, plus sûre et plus efficace ; mais en même temps l’habitude risque de diminuer notre vigilance, de générer l’ennui, de nous rendre incapables de réagir avec pertinence à la situation exceptionnelle.

Quelles sont mes habitudes et que m’apportent-elles ?

Renaud CHEREL




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Sur les comportements habituels Question de référence

lundi 23 avril 2012

Etre et paraître


Dans le dernier message de ce blog (voir Quels jeux de rôles jouons nous?), nous constations, à travers quelques témoignages vécus, combien nous sommes fréquemment poussés à jouer des rôles dans le quotidien ; et cela nous amène à nous poser la question tant rebattue : être ou paraître ? Faut-il privilégier l’un au détriment de l’autre ? Dans notre société où l’image a tant de place, le paraître est crucial alors qu’au contraire beaucoup de traditions de sagesse privilégient l’être. En réfléchissant à cette question, il me semble que l’un n’est pas totalement exclusif de l’autre. Car, comment pourrait-on définir l’être sans aucune manifestation de son existence, c’est-à-dire sans paraître ? Comment peut-on être sans paraître et paraître sans être ?

Je ne vois pas l’air qui m’entoure et pourtant je sais qu’il existe ; mais si je ne le vois pas de mes yeux, l’air n’en est pas moins accessible à mes sens : il se manifeste à moi par le sens du toucher lorsqu’il est en mouvement, et par ailleurs la science dispose d’instruments capable d’analyser sa composition et ses propriétés.

Il en va de même pour tous les objets inaccessibles à nos sens, mais que les scientifiques ont pu identifier et décrire en utilisant les outils appropriés. Jusqu’à un passé très récent, personne n’avait jamais vu le moindre atome, mais les savants avaient déduit leur existence des propriétés de la matière. Et puis un jour on a mis au point le microscope à effet tunnel, technique assez fine qui a permis de visualiser des atomes individuels.

Quant aux idées, aux rêves, tout ce qui s’agite dans la sphère mentale : sont-ce des choses accessibles par nos sens ? D’une certaine manière, oui : elles m’apparaissent sous forme d’images, de sensations, de raisonnements. Et même les plus hautes expériences spirituelles se manifestent de manière sensible ; les grands mystiques racontent leurs expériences spirituelles d’abord par des ressentis, des visions, des images, des sensations…

En psychologie, certaines théories sont allées très loin : selon les comportementalistes, notre personnalité serait strictement liée à nos comportements ; en d’autres termes, nous sommes ce que nous faisons, peu importent nos motivations intérieures. À partir de là, les plus radicaux affirmaient que ce qui n’est pas accessible par l’étude comportementale n’existait pas, donc il n’y avait pas d’activités mentales, la conscience n’existait pas. La motivation constituait le caractère énergétique du comportement mais pas son orientation : le comportement n’était que le résultat d’apprentissages plus ou moins complexes. Ces notions, qui sont considérées comme dépassées aujourd'hui, ont toutefois fortement influencé certains des courants actuels de la psychologie comme le cognitivisme.

Les relations entre personnes s’inscrivent inéluctablement dans un jeu d’émissions et de perceptions dans lequel aucun des interlocuteurs n’est complètement maître des images véhiculées. La perception que nous avons les uns des autres est forcément fragmentaire, transitoire et souvent fort influencée par nos interprétations. Inversement, on n’est jamais sûr de l’image que les autres perçoivent de nous, même quand on a l’impression d’être parfaitement authentique.

Ainsi donc, être et paraître me semblent intimement liés ; mais l’essentiel ne serait-il pas dans la recherche d’une cohérence entre mon image et ce que je suis ?

Renaud CHEREL




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lundi 16 avril 2012

Quels jeux de rôles jouons-nous ?


« L’habit ne fait pas le moine », dit-on ; est-ce bien sûr ? Quand je parle à Monsieur le Maire, je ne parle pas simplement à monsieur Dupont, mais à la fonction symbolique qu’il représente, nanti des pouvoirs que sa charge lui confère. Et cela est vrai également si M. Dupont est boucher-charcutier ou mécanicien auto : quand je rencontre ce Dupont-là, il y a de grandes chances pour que je projette sur lui un certain nombre de préconceptions sur ses compétences ; par exemple, j’attends du boucher qu’il sache découper correctement un morceau de viande et du mécanicien qu’il sache diagnostiquer la panne de mon véhicule. Mais je vais peut-être imaginer que mon boucher n’est pas très littéraire – alors qu’en réalité c’est un fin connaisseur de Maupassant. Par ailleurs, dans notre société, certaines personnes nous sont quasiment invisibles de par leur fonction : sauf s’il avait un comportement atypique, il y a peu de chances que je puisse décrire précisément le balayeur de rue ou le gardien de musée que j’ai croisé quelques instants auparavant…

Non seulement nous attribuons quasi automatiquement un rôle aux autres en fonction de leur apparence, mais souvent nous nous efforçons de nous conformer au rôle attendu de nous. Ainsi Camille explique : « Pour moi, c’est impensable de couper le lien avec l’autre ! Il y a la peur d’être rejetée. Par exemple, au supermarché, j’ai rencontré quelqu’un qui m’a raconté ses malheurs. Je m’ennuyais à l’écouter ; mais je l’ai écoutée quand même en me disant : "Il faut avoir l’air intéressé !" »

Pour Fabien, qui fonctionne beaucoup sur la séduction, l’apparence physique, le sex-appeal sont les clés indispensables pour être désirable ; très motivé par la conquête, il est considéré comme un battant performant dans son entreprise, et comme un amant attentionné dans sa vie privée.... mais, au fond de lui, quand il s’arrête de courir, le doute l’assaille et il a la sensation de ne pas valoir grand-chose.

Le doute de soi est constant chez Olivier, qui confie : « Quand je regarde les autres, je ne me sens pas à la hauteur de leurs qualités, qui leur assurent le respect et l’admiration. Je me sens différent d’eux et je ne me sens pas forcément capable d’être à leur niveau. J’ai honte quand je me compare à eux. Comme si ma vie avait été entachée par un vécu qui m’exclurait du groupe s’il était découvert. Et, comme j’ai peur d’être rejeté, je vais tout faire pour paraître attrayant, original, au dessus des normes. »

Même Mathilde, qui cherche à être vraie, se conforme au rôle qu’elle s’est donnée : « Ma devise, c’est "Engagement et perfection". Je n’aime pas le bordel ! Les choses qui ne sont pas faites parfaitement, c’est des problèmes par la suite. Il faut que ce soit clair et rigoureux ! Pas de faux-semblant : en toute circonstance, je dis ce que je pense. Quand on me critique, ça m’énerve ; en général, je n’accepte pas. Mais par la suite, en y repensant… je me dis souvent que c’est vrai. »

Et moi, quels rôles est-ce que je joue ?

Renaud CHEREL



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lundi 9 avril 2012

Se situer dans l'espace


Nous avons vu dans le message précédent (voir Se situer dans le temps) différentes manières de se situer dans le temps ; mais par ailleurs certaines personnes se situent plus facilement dans l’espace que d’autres.

D’une manière générale, on développe ses repères spatiaux dans l’enfance, en organisant l’espace en fonction de points de repère comme dedans, dehors, dessus, dessous, devant, derrière, en haut, en bas, etc. Ensuite vient la latéralisation, la capacité à distinguer la droite de la gauche.

Le sens de l’orientation est plus ou moins développé selon les individus. Il y a une vingtaine d’années, alors que nous habitions près d’Agen, un de mes fils avait invité un de ses copains – appelons-le Florent – à passer une semaine à la maison. Florent, qui habitait du côté de Toulouse, à 150 km de là, ne connaissait absolument pas notre région. Un jour, je les ai emmenés à Agen et après avoir garé ma voiture à la périphérie, nous avons déambulé dans la vieille ville puis nous nous sommes arrêtés dans un café. Au moment de repartir, je m’apprêtais à refaire le chemin en sens inverse, mais Florent me dit, en désignant une petite rue : « Pas la peine de faire ce détour, votre voiture est par là. » Je lui demandais : -« Tu connais Agen ? » -« Non, je ne suis jamais venu, mais je suis sûr qu’il faut aller dans cette direction. Vous pouvez me faire confiance, je ne me perds jamais. » Intrigué, j’acceptais de le suivre ; il nous fit passer par des ruelles que je ne connaissais pas, et après avoir parcouru un peu plus d’un kilomètre, j’eus la surprise de me retrouver dans la rue où était garée ma voiture. Il fallut me rendre à l’évidence : Florent avait un sens de l’orientation absolu.

Certaines personnes manipulent plus facilement que d’autres les concepts d’espace. Daniel s’est toujours trouvé très à l’aise pour imaginer des formes en trois dimensions dans l’espace et les manipuler par la pensée ; les notions de représentation de la perspective lui sont très naturelles et du fait de ses aptitudes, il s’est orienté vers des études d’architecte qu’il a brillamment conduites. Il a d’ailleurs mis du temps à réaliser que tout le monde ne possédait pas la même facilité à se projeter dans un espace à trois dimensions.

Enfin d’autres se sentent plus ou moins à l’aise dans leur corps. Lucie possède cette autre aptitude qui est de connaitre très exactement les limites de son corps et la place qu’il occupe dans l’espace : elle ne se cogne jamais, ses gestes sont précis et adroits et ses mouvements extrêmement fluides lui donnent une allure féline. Cette connaissance très précise de son schéma corporel l’a conduite très naturellement vers la danse classique où elle fait des merveilles.
   
À l’inverse, Augustine est assez maladroite, elle casse des objets et se cogne souvent aux meubles ; si le terrain est irrégulier, elle se tord facilement les chevilles en marchant : son schéma corporel est moins bien intégré.

Et vous, comment vous situez-vous dans l’espace ?

Renaud CHEREL




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    Dedans, dehors
    Se situer dans le temps

lundi 2 avril 2012

Se situer dans le temps


Montre molle (Salvador Dali)
Peut-être avez-vous remarqué combien nous sommes différents dans notre façon d’aborder, dans notre quotidien, les notions d’espace et de temps. Certains d’entre nous se sentent à l’aise pour évoluer dans l’espace mais moins bien dans le temps ; d’autres vivent dans le temps mais ne se meuvent pas très aisément dans l’espace ; enfin, nous connaissons des personnes qui semblent autant à l’aise dans l’un des domaines que dans l’autre et qui parviennent à équilibrer toutes les dimensions.

Je vous propose, à travers quelques exemples, d’examiner d’abord comment on peut se situer par rapport au temps qui passe. Car on peut se sentir préoccupé par le temps de façons fort variées :

Renée est particulièrement préoccupée par l’avenir et passe beaucoup de temps à se projeter dans le futur ; pour prévenir les accidents ou désagréments qui risquent de survenir, elle cherche à mettre en place mille stratégies aptes à y remédier. Par exemple, pour effectuer un déplacement, même de courte durée, elle emmène toujours une petite laine : « on ne sait jamais » ; tous ses objets personnels sont munis d’une étiquette avec son nom et son adresse : « au cas où je l’égare, on pourra me le renvoyer »…

Pour Marius, il a une vision plus optimiste du futur : demain est riche de promesses et il poursuit régulièrement plusieurs projets en même temps ; il se projette dans le futur pour planifier des activités intéressantes ou agréables. Capable de zapper sur autre chose si un projet ne peut pas se faire, il a toujours en réserve des alternatives et se trouve rarement pris au dépourvu.

Françoise est aussi sensible à la dimension du temps, mais d’une autre manière : préoccupée par le passé, elle aime se plonger dans ses souvenirs, dans la nostalgie d’un temps heureux qui n’est plus. Elle retient surtout les aspects positifs de ses souvenirs en effaçant plus ou moins consciemment les expériences difficiles ou douloureuses qu’elle a pu vivre. Elle passe de longs moments à se remémorer cet âge d’or, ce bon vieux temps où les choses étaient bien mieux qu’aujourd'hui. Elle en conserve un regret perpétuel, qui teintera toujours le présent qu’elle vit d’une certaine forme de tristesse et de mélancolie.

D’autres personnes sont, comme Françoise, occupées par leurs souvenirs, mais, contrairement à celle-ci, elles ont tendance à effacer les moments agréables pour se focaliser sur les réminiscences des expériences difficiles ou douloureuses.

Quant à Oswald, que ses collaborateurs qualifient volontiers de visionnaire, il se trouve lui aussi tendu dans le temps mais à l’opposé de Françoise, vers le futur lointain d’un monde qu’il voudrait idéal. Toutes ses actions présentes sont ordonnées en vue d’améliorer les choses, afin d’atteindre un jour cet idéal lointain de perfection qu’il entrevoie à l’horizon et dont le rêve lui insuffle une énergie qui entraîne les autres à sa suite.

Enfin, Nathan, lui, vit tout simplement dans le présent, goûtant intensément chaque instant qui lui est donné de vivre, sans trop se préoccuper de l’avenir et sans regret du passé.

Et vous, comment vous situez-vous par rapport au temps ?

Renaud CHEREL




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