Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 26 mars 2012

Exemplarité


Connaissez-vous cette histoire que l’on raconte à propos de Gandhi ?

Une mère conduisit son jeune fils chez le mahatma Gandhi au prix d’un long voyage via le train, l’autobus, le pousse-pousse et à pied. Elle supplia le maître : « Dites à mon fils d'arrêter de manger du sucre ! » Gandhi se tut un moment, puis déclara : « Reviens avec lui dans deux semaines. »
Ils revinrent comme prévu, deux semaines plus tard : train, autobus, etc. Le mahatma regarda le jeune garçon dans les yeux et lui dit : « Arrête de manger du sucre. » Reconnaissante mais étonnée, la femme lui dit : « Pourquoi m'avez-vous demandé de revenir dans deux semaines ? Vous auriez pu lui dire cela la première fois où je suis venue. »
Gandhi répondit : « Il y a deux semaines, moi aussi je mangeais du sucre. »

Dans notre société où l’individualisme règne en maître, l’idée même de donner l’exemple peut paraître ringarde, dépassée : quel frein ce serait à la liberté individuelle ! Les messages serinés par la publicité et les médias nous enjoignent de laisser chacun mener sa vie comme il l’entend ; les hommes et les femmes en vue ne se gênent plus pour étaler des aspects peu reluisants de leur vie privée.

C’est oublier que tout ce qui s’expose en public sert de repère, même si telle n’était pas l’intention de l’auteur. Le comportement d’une personnalité connue peut jeter le trouble, voire renverser les systèmes de valeurs de ses admirateurs. En effet, si telle personne en vue est admirée pour sa réussite, son autorité, ou tout autre critère, dans bien des cas sa conduite fera partie du lot. Car bien souvent, nous avons du mal à différencier une personne de ses actes : nous prenons le tout d’un bloc. Si donc cette personne admirée commet un délit, nous serons tentés de lui trouver quelque excuse et le délit nous semblera moins grave. Ses mensonges banaliseront le mensonge et appelleront des mensonges en retour. Il en sera de même pour la tromperie, la ruse, l'injustice. Heureusement, l'inverse est également vrai : l’exemple de Gandhi ne laisse pas indifférent.

Ceux qui sont en position d’autorité ont donc du pouvoir sur la définition du bien et du mal. Certains d’entre nous peuvent se dire : « Mais je ne suis pas une star connue dans les médias, je ne suis ni ministre, ni chef d’État, donc cela ne me concerne pas… »

Pourtant, réfléchissons : n’avons-nous jamais été l’objet de l’admiration de quelqu’un ? N’avons-nous jamais éprouvé du respect pour le sérieux, la compétence de tel supérieur hiérarchique ? N’avons-nous jamais eu l’occasion d’admirer le comportement citoyen d’un inconnu dans la rue ? Que nous soyons dirigeant, cadre en entreprise, parent ou éducateur, membre d’une association d’un mouvement ou d’un parti, piéton ou automobiliste, nous avons tous, à des degrés divers, l’occasion d’être un exemple pour d’autres.

Par mon comportement, je peux semer la transparence, l'équité, la justice, le respect. Qu’est-ce qui m’en empêche ?

Renaud CHEREL





Bibliographie :
José Frèches : Gandhi – Tome 1 : Je suis un soldat de la paix. XO éditions, 2007.

José Frèches nous livre ici une grande fresque de la vie de celui qui a fait ployer l’Empire britannique grâce à la désobéissance civile menée dans la non-violence. Dans ce premier tome, il décrit l’enfance de Gandhi, ses études à Londres, ses premières luttes pour la justice en Afrique du Sud puis en Inde. Passionnant.

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    Admiration

lundi 19 mars 2012

Croyances et relations sociales


Confiance ou méfiance envers les autres ?
Dans le message précédent (voir Croyances et savoirs), j’ai évoqué la part que nos croyances occupent dans le domaine de la connaissance dite scientifique. Dans le domaine social, la part des croyances est évidemment bien plus importante.

-« Moi, je me méfie de ce qu’on me raconte, affirme Gontran ; surtout quand je ne connais pas très bien mon interlocuteur, je me débrouille pour faire des recoupements et des vérifications. J’ai toujours des doutes qui m’assaillent, sur les autres et sur moi-même… »

-« Je me reproche parfois d’être trop confiante dans les autres, soupire Élisabeth, et parfois ça me joue des tours ; mais d’un autre côté, comment peut-on avoir des rapports humains si on ne fait pas confiance ? »
En effet, il est très difficile, sinon impossible, d’entretenir des relations sociales harmonieuses sans un minimum de croyance ou de foi dans l’autre. Si je ne crois en aucun cas ce que l’autre me dit, si je dois passer par une vérification systématique de tout ce que j’entends, je tombe dans la paranoïa et les relations deviennent singulièrement difficiles. Dans la vie quotidienne, beaucoup de nos liens sociaux sont tissés de confiance.

Je prends un exemple qui me paraît fondamental car il a des conséquences sur le fonctionnement de la société : le père croit que ses enfants sont de lui sur la parole de sa femme ; mais avant l’avènement des analyses génétiques, il n’avait aucun moyen objectif de le vérifier. Dans certaines sociétés, ce fait a entraîné la construction de systèmes très rigides pour tenter d’enlever à la femme toute possibilité d’avoir des relations sexuelles avec un autre homme que son mari. Les relations hommes-femmes sont alors construites sur la méfiance réciproque et non sur la confiance.

De la même façon, l’amitié ne peut qu’être construite sur la confiance. Cela ne signifie pas qu’il faille tout dire à son meilleur ami ou à sa meilleure amie : à chacun de discerner ce qu’il y a lieu de dire et de ne pas dire. Croire, c’est accepter la possibilité d’être trompé ; cependant, sans un minimum de confiance réciproque, il n’y a pas d’amitié possible.

Si dans une société donnée, les relations entre conjoints ou entre amis sont tissées de méfiance, alors, me semble-t-il, il y a forcément des conséquences dans le fonctionnement global de cette société qui devient plus rigide, plus segmentée, moins adaptable, moins tolérante.

Mais jusqu’où faire confiance sans tomber dans la crédulité, cette propension à croire trop facilement, trop hâtivement ou sans examen critique ? À ce propos, il est intéressant de se demander qui est crédule à mes yeux ? La réponse est souvent l’autre : les primitifs, les enfants, les hommes des époques précédentes… mais pas moi ! Il est souvent plus facile de reconnaître la crédulité de l’autre que la mienne, surtout quand il est éloigné dans le temps ou dans l’espace.

Pour maintenir des relations sociales satisfaisantes, il me faut donc naviguer avec discernement entre les deux écueils de la méfiance systématique et de la crédulité, ce qui n’est pas toujours tâche aisée !

Renaud CHEREL



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lundi 12 mars 2012

Croyances et savoirs


Le monde ne se réduit pas aux équations, comme croit le savant Cosinus
Notre société actuelle est bâtie – au moins dans son discours, dans sa façade, sinon dans ses fondements – sur la question du savoir. Depuis le siècle des lumières et probablement bien avant avec les philosophes grecs, beaucoup d’efforts ont été faits pour abattre les croyances qui se dressaient comme des obstacles à la compréhension de l’univers et au plein épanouissement de l’homme. Ce discours, que nous avons appris à l’école, nous prescrit de ne croire que ce qui peut être prouvé et à rejeter ce qui ne peut pas l’être ; à ne raisonner qu’en termes de causalité : les mêmes causes produisent les mêmes effets. Ce même discours nous enjoint à nous appuyer sur des savoirs et non des croyances. En ce qui me concerne personnellement, j’ai suivi des études scientifiques ; dans mon métier d’ingénieur, cela allait de soi et je n’ai pas vraiment remis en question ces bases pendant des décennies. Pourtant, au fil du temps, je me suis rendu compte que des grains de sables grippaient ce beau mécanisme du raisonnement rationalisant et que tout un chacun s’appuyait bien plus sur des croyances que sur des savoirs.

Premier constat : il est impossible à un individu donné de prouver tout ce qu’il dit savoir ; l’ensemble des connaissances accessibles aujourd'hui est bien trop vaste pour cela. Ainsi, quand j’appuie sur un interrupteur électrique, je crois qu’un flux d’électrons parcourt les fils jusqu’à l’ampoule, que leur circulation échauffe le filament, ou le gaz présent dans l’ampoule, et que cet échauffement rend le gaz lumineux. Mais je suis bien incapable de le prouver, car je ne possède pas la totalité des connaissances nécessaires ; et même si je connaissais tout de la théorie, je n’aurais pas à ma disposition le matériel d’expérimentation indispensable pour en mettre en œuvre la preuve concrète. Je fais donc confiance à mes professeurs de physique qui me l’ont enseigné à l’école, aux documents publiés sur le sujet ainsi qu’aux fabricants de matériel électrique…

Si je passais ainsi en revue les domaines où je fais confiance à d’autres dans le cadre de ma vie quotidienne, je trouverais probablement des centaines ou des milliers d’occurrences où il me faut faire confiance à d’autres sans avoir de preuve directe. Même avec du matériel sophistiqué, il ne suffirait probablement pas d’une vie entière pour prouver que tout ce qui nous entoure fonctionne de cette façon et pas autrement. Et même après avoir fait tout ce travail, je réaliserais qu’un très grand nombre de choses demeurent sans explication.

Il me faut donc bien admettre que la plupart de mes savoirs, même s’ils sont théoriquement prouvables, sont difficiles à distinguer de mes croyances. Encore me suis-je limité à des exemples matériels. Si nous portons notre réflexion dans le domaine humain, les choses deviennent encore plus difficiles.

Faut-il pour autant rejeter toute notion de savoir objectif ? Que non pas ! Mais admettons seulement que tout ne peut pas être expliqué scientifiquement et que certains domaines de l’expérience humaine puissent échapper à notre rationalité.

Renaud CHEREL


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lundi 5 mars 2012

Date de péremption


Certains d’entre nous passent beaucoup de leur temps à anticiper, à se demander de quoi demain sera fait, et à prévoir ce qui peut arriver de façon à prendre les mesures nécessaires pour y faire face ; d’autres, au contraire, vivent dans le présent, sans trop se préoccuper de l’avenir. Pourtant, dans notre vie quotidienne, nous sommes sans cesse sollicités à nous projeter dans l’avenir.

Par exemple, chaque fois que nous manipulons des médicaments ou des aliments conditionnés, nous trouvons sur l’emballage une date de péremption, au-delà de laquelle le produit n’est plus consommable. Dans sa banalité, cette date de péremption passe la plupart du temps inaperçue ; et pourtant, si on prend le temps d’y réfléchir un instant, elle nous rappelle quelques vérités profondes :

D’abord, c’est un rappel de la corruptibilité des choses : rien de dure éternellement, tout est amené à se détériorer, à se gâter, à pourrir. Au-delà d’un certain délai, les propriétés de cet aliment ou de ce médicament auront tellement changé que non seulement il ne sera plus nourrissant ou apte à me guérir, mais il risque de devenir un poison pour moi. Ce produit qui m’était utile sera devenu inutile pour moi, voire toxique.

Ensuite, la date de péremption est une projection dans l’avenir. Prenez un aliment emballé quelconque, il vous projette dans un avenir plus ou moins proche :
- pour les viandes et poissons, les fruits et légumes, les laitages frais, le délai est de quelques jours ;
- le lait UHT vous projette dans un avenir de trois ou quatre mois ;
- la confiture vous envoie dans un futur de deux ans ;
- les pâtes alimentaires et certains légumes secs dans deux ou trois ans ;
- et des conserves peuvent vous emporter encore plus loin, cinq ans ou davantage.

Mais certaines catégories d’aliments ne portent pas de date de péremption ; c’est le cas par exemple du vin : s’il s’agit d’un bon cru, vous pouvez conserver votre bouteille aussi longtemps que vous le désirez, à condition d’avoir une bonne cave, bien sûr ! Et aucune règle ne vous enjoindra de le consommer avant telle date : à vous de juger quel est le meilleur moment pour le boire…

Ces considérations peuvent avoir un écho plus personnel : est-ce que je me considère comme quelque chose d’utile ? Et dans ce cas, quelle est ma « date de péremption » personnelle ? Cette date de péremption, on peut imaginer que ce sera le moment où la société jugera que je n’ai plus d’utilité… Est-ce que je me vois comme les produits frais ou comme les boîtes de conserves ? Ou bien est-ce que je m’imagine, de ce point de vue, plutôt comme un bon vin, qui se bonifie avec l’âge, et qui n’a pas de date de péremption définie ? Ai-je une idée du moment où l’on jugera que je ne suis plus utile à personne ? Ou est-ce que pour moi la valeur et la dignité de la personne humaine sont d’un autre ordre que son « utilité » ?

Renaud CHEREL


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