Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

mercredi 29 juin 2011

Désirer, avoir envie

C’est la pause de midi, quelques collègues qui s’entendent bien sont en train de bavarder autour de la machine à café.

-« Qu’est-ce qu’il fait beau aujourd'hui… De quoi avez-vous envie en ce moment ? » demande Catherine à la cantonade.
-« J’ai toujours envie d’autre chose, dit Nadia, songeuse : on est tellement dans une existence routinière, qui manque d’intensité… L’envie pour moi, ce n’est pas l’envie d’une chose matérielle, pas forcément une chose que je peux nommer. Mais j’ai un sentiment d’insatisfaction permanente, et cela se traduit par une quête interminable… Il y a toujours un truc qui manque, c’est jamais totalement ça. »
-« Pour moi, dit Jean-Paul, c’est clair : j’ai envie de réussir. Et je ferai ce qu’il faut pour y arriver, tu peux me croire. On a un nouveau challenge à relever, je n’ai pas trop le temps de discuter avec vous maintenant, il faut que j’y aille. Ciao ! »
-« Il a raison, ce n’est peut-être pas le moment de poser ce genre de question, renchérit Marietta ; il vaudrait mieux d’abord faire ce qu’il y a à faire : j’ai une montagne de courrier à dépouiller, je m’occupe de ça d’abord et après je verrai de quoi j’ai envie. »
-« Moi, rétorque Hélène, je n’ai pas particulièrement envie de quoi que ce soit en ce moment ; mais dis-moi plutôt, Catherine, qu’est-ce qui te ferait envie à toi ? Peut-être, qui sait, serais-je en mesure de t’aider à réaliser ton rêve ?… J’adore aider les gens, et je crois que je ne suis pas trop mal douée pour ça. »
-« Attendez, quand je vous posais cette question, je pensais aux vacances, tiens ! Moi, j’ai envie de tout essayer : si c’est nouveau, c’est fun ! J’ai visité quatre-vingt pays dans le monde, mais il en reste plus de cent à voir encore, je n’ai pas fini ma quête. Pour moi, l’aberration ultime, c’est d’avoir sa petite maison secondaire en Bretagne dans un patelin au-dessus de la plage et d’y retourner tous les étés depuis vingt ans ! »
Envie d'être une fée ?
(photo R. Cherel)

Et la discussion part sur la question des vacances. Mais au fait, suis-je au clair avec mes envies ? Est-ce que je me retrouve dans certaines des attitudes brièvement évoquées dans cette discussion entre collègues ? Qu'est-ce que je désire, au fond ? Mes envies sont-elles bien définies ou au contraire vagues et incertaines, voire même inexistantes ? Est-ce qu’elles correspondent à des choses concrètes, matérielles ? Ou bien plutôt à une qualité d’être et de relation avec ceux qui m’entourent ? Ou encore à une image que je cherche à atteindre, quelque chose qui me fasse exister aux yeux des autres ?

Nous sommes des êtres de désir, c’est vrai, mais nos désirs ne sont pas toujours transparents pour nous-mêmes. Nos envies, nos désirs en disent long sur ce que nous sommes… mais aussi sur ce que nous pouvons devenir si nous nous donnons le temps de les écouter ! Alors, nous pouvons nous poser la question : qu’est-ce que je désire, au fond ?


Renaud CHEREL



Voir aussi dans ce blog :
    Rêves et projets
     Renoncements

Liens externes :
    Désirer, est-ce la même chose que vouloir ?
    Le désir en philosophie
    Avoir envie, selon Marguerite

Bibliographie :

Épictète : Manuel d’Épictète, Livre de poche, Paris 2000.
Ce petit opuscule, écrit par son disciple Flavius Arrien, résume l’enseignement d’Épictète, ancien esclave syrien, affranchi par son maître romain, qui vécut au premier siècle de notre ère. 
Malgré des conditions de vie très difficiles, ce sage a su mettre en pratique les enseignements du stoïcisme et a vécu libre et heureux. C’est un maître de force morale et de bonheur, exigeant mais bienveillant. J'ai trouvé la lecture de ce manuel très instructive et réconfortante. 

vendredi 24 juin 2011

Se former en permanence

Se former en permanence, une nécessité
Autour d’un café partagé, la discussion porte sur la formation :
Mouloud explique : « Moi, je n’ai pas fait beaucoup d’études, j’étais fâché avec l’école. La théorie, ça me barbe ! Mais j’ai pu progresser dans mon métier grâce à la formation : je suis entré dans ma boîte comme conducteur d’engins de terrassement, et aujourd'hui je suis chef de chantier. Les gars, ils me respectent, parce que je connais leur boulot : les bulldozers et les pelleteuses, je sais les manier ! »
« Je travaille en back-office dans le secteur bancaire, répond Jocelyne, et pour moi, c’est absolument indispensable de me former : on a sans cesse de nouveaux produits qui arrivent, de nouvelles techniques qui se développent, et si tu n’es pas au courant tu perds pieds très vite… »
Thierno soupire : « Ça fait vingt-cinq ans que je suis dans la même boîte, mais on n’a jamais eu de formation… On s’adapte à la petite semaine, on se forme sur le tas… Mais je dois reconnaitre que j’ai du mal… Face aux jeunes, il y a des moments où je me sens complètement dépassé, ça va trop vite, je n’arrive plus à tenir le rythme. »
Véra prend la parole à son tour : « Maintenant que je suis en retraite et que j’ai du temps, j’ai décidé d’aller à l’université : je suis des cours sur l’histoire de l’art. C’est un domaine qui m’a toujours fait rêver, mais je n’avais jamais eu le temps d’y travailler, avec mon activité professionnelle et mes enfants. Eh bien, je peux vous dire que j’en profite à fond et j’en suis ravie ! J’ai l’impression d’élargir mes perspectives… »
Nous sommes dans une société qui change, qui évolue continuellement. Le rythme d’apparition de nouvelles découvertes scientifiques ou de nouvelles innovations technologiques ne cesse de s’accélérer. De nouveaux métiers voient sans cesse le jour, et au sein de la même activité professionnelle, de nouvelles techniques, des concepts innovants apparaissent au fil du temps : les références du passé ne fonctionnent plus dans un certain nombre de domaines.
Par conséquent, contrairement à ce qui était vécu jadis pour la plupart des gens, le savoir acquis à la sortie de l’école ou de la formation n’est pas suffisant pour faire face aux besoins de notre vie future. Aujourd'hui, il n’est pas rare d’exercer successivement deux ou trois métiers différents ou davantage dans le cours d’une carrière, quand beaucoup de nos grands-parents avaient une même activité professionnelle toute leur vie. Force est donc de constater qu’il nous faudra probablement apprendre en permanence, tout au long de notre vie, non seulement dans le domaine professionnel, mais aussi dans la vie de tous les jours.
Aussi peut-il être utile de se poser quelques questions dans ce domaine : est-ce que je crois à la nécessité de me former en permanence, ou pas ? Si oui, est-ce que je prends les moyens pour le faire ? Lesquels ? Comme dans d’autres domaines, l’accompagnement d’un coach peut aider à clarifier son projet et à le mettre en œuvre…

Renaud CHEREL


Voir aussi dans ce blog : 
    Echecs et erreurs
    Néoneurones

Liens externes :
    Les 5 erreurs de la formation en entreprise
   Pourquoi se former tout au long de sa carrière ? Résultat d'un sondage auprès de 1372 employés des secteurs public et privé.

lundi 20 juin 2011

Promenades

J’ai la chance d’habiter dans une petite ville entourée de forêts, et je profite au mieux de mes temps disponibles pour me promener. J’aime bien marcher par les chemins, dans la campagne, ou dans la forêt, en pleine nature. Dans ces lieux, le calme et la beauté agissent de façon régénératrice sur mon esprit, me fournissant une énergie paisible, provision de sérénité pour les jours suivants.

Pendant les week-ends, les chemins les plus proches des routes ou des parkings sont saturés de citadins qui viennent prendre l’air ; mais pendant la semaine les rencontres sont moins fréquentes. Parfois l’on croise un promeneur, et la plupart du temps l’on se salue mutuellement, comme si, loin de la ville et de ses urgence, l’on prenait davantage le temps de porter attention à l’autre. Il y a des joggers qui se contentent de hocher la tête en passant, concentrés qu’ils sont sur leur performance… d’autres lancent un grand bonjour amical.

Coquelicot (photo R. Cherel)
Je marche à mon rythme, admirant le paysage, la façon dont le relief crée un théâtre plus ou moins grandiose dans lequel s’insèrent les détails du lieu. Même dans les endroits que je connais bien, l’apparence du paysage et les tonalités de couleurs varient selon les saisons et les heures de la journée, créant un spectacle sans cesse renouvelé dont je ne me lasse pas. Dans ce cadre, je goûte la beauté et l’harmonie du paysage végétal – lorsqu’elles ne sont pas trop malmenées par l’homme, les plantes se répartissent de façon harmonieuse selon leur volume et leur taille. Dans ce cadre, j’apprécie la façon dont les plans d’eau ou les habitations s’y insèrent.

Plus près de moi, je suis attentif aux détails le long du chemin : la beauté souvent discrète des fleurs sauvages, aux formes parfois étonnantes et aux couleurs subtiles, mais dont la plupart ne sont même pas remarquées par les promeneurs. La ronde des insectes, le passage d’un joli papillon aux ailes éclatantes de couleurs, le chant des oiseaux qui se répondent d’un arbre à l’autre, le toc-toc d’un pic-vert qui cherche sa nourriture dans un tronc d’arbre mort. Il m’arrive aussi parfois de croiser des animaux moins fréquents : le héron solitaire perché sur une patte au bord de l’étang ; le vol lourd d’une chouette à la tombée du jour ; des écureuils qui sautent de branche en branche ; une grande couleuvre aux écailles vertes et jaunes qui serpente dans le sous-bois… Mais aussi une belette qui file dans les taillis ; des chevreuils, souvent par deux, qui me considèrent d’un œil attentif avant de fuir en grands bonds gracieux ; des sangliers qui courent dans les éteules. Et il m’est arrivé une fois d’apercevoir un cerf qui ne se laissa pas approcher mais disparut aussitôt dans les fourrés !
Pour sortir de la routine et des soucis du quotidien, nous allons parfois chercher très loin, à l’autre bout de la planète. Pourquoi pas, mais n’oublions pas qu’à côté de chez nous, il existe peut-être des sources simples et accessibles de dépaysement et de régénération, susceptibles de nous fournir des ressources personnelles.


Renaud CHEREL




Cet article vous a plu ? Vous pouvez voir aussi dans ce blog :
    Arbres d'hiver
    La solitude
    Poème d'été : Promenade champêtre

dimanche 19 juin 2011

Changement et blocages

La direction de cette PME a décidé de rationaliser la démarche commerciale et a fait l’acquisition à grands frais d’un logiciel intégrant la gestion des commandes et des stocks, le suivi des prospects et des clients ainsi que l’optimisation des déplacements des commerciaux sur la route. Mais, au bout de quelques mois, Jacky, le directeur commercial, s’arrache les cheveux : malgré ses relances, les commerciaux de son équipe ne remplissent pas régulièrement leurs fiches et les tableaux sont incomplets. Résultat, le logiciel ne fonctionne pas correctement, ce qui entraîne des erreurs et la grogne des uns et des autres puis le blocage complet : Jacky a beau menacer de sanctions, l’équipe boycotte le logiciel et revient à l’ancienne façon de faire. Il a fini par jeter l’éponge quand l’un de ses meilleurs vendeurs a parlé de partir à la concurrence.
L’équipe de direction n’avait pas réalisé que l’introduction de ce logiciel était vécue comme un changement complet d’habitudes, notamment pour les commerciaux les plus anciens et les plus chevronnés. De plus, ceux-ci se sont d’autant plus raidis qu’ils ont eu le sentiment de n’avoir pas été consultés. Car le changement entraîne beaucoup de blocages : en France, on est pour le changement en général, mais beaucoup de gens n’aiment pas les changements qui les concernent personnellement.
Plutôt que de travailler sur la résistance au changement, Jacky pouvait s’attaquer à la résolution de problèmes. Expliquer les enjeux avant de lancer le nouveau logiciel : dire aux équipes concernées ce qu’elles gagneraient avec ce changement, mais aussi les éléments qu’elles perdraient, plutôt que de leur faire la morale. Faire des simulations. Pour beaucoup de personnes, le changement provoque des craintes : même si leur situation présente n’est pas la meilleure possible, elles savent comment les choses se passent et cela les sécurise. Par contre, dans la situation nouvelle, elles ne savent pas ce qui les attend : une communication claire sur les différents aspects de la nouvelle situation, mettant bien en lumière ses avantages sans minimiser ses inconvénients, ne pourra que les rassurer. S’ils jugent que globalement les avantages l’emportent sur les inconvénients, les gens dans leur majorité acceptent de changer.
D’autres blocages peuvent provenir de stratégies distinctes, elles-mêmes liées à des perceptions différentes de la réalité. Par exemple, une entreprise européenne avait démarré une filiale en France. Celle-ci, avec une vision à moyen terme, voulait proposer à la clientèle des produits de qualité supérieure à la concurrence pour gagner des parts de marché. De son côté, l’équipe de direction Europe, avec l’expérience d’une forte implantation ailleurs, préférait vendre des produits de qualité moyenne pour diminuer les charges de production et privilégier la marge unitaire. Pour les Français, c’était un suicide programmé, mais la direction européenne ne voulait pas bouger, s’appuyant sur une expérience de plusieurs années où leur stratégie s’était montrée gagnante : pourquoi changer ? Le blocage n’a été résolu qu’après une première campagne décevante, suivie de longues discussions et la présentation détaillée du marché français avec ses spécificités.
Bien des situations peuvent se débloquer par une bonne communication.


Renaud CHEREL



Voir aussi dans ce blog :
    Permanence et changement
    Histoire de changer
    Résistance au changement
    Déménagement
    Faut il avoir de l'expérience ?
    Nomades et sédentaires

Bibliographie : 
Jean-Paul LUGAN : Le changement sans stress – Dépasser les résistances et la pression, Eyrolles, Éditions d'Organisation, Paris, 2010, 162 pages.
Ce livre, écrit par un formateur-coach spécialiste de la conduite du changement auprès de managers et dirigeants, permet de mieux comprendre les enjeux liés au changement de l'entreprise et leurs impacts, d'identifier et gérer les facteurs de pression. Il fournit des outils et des méthodes de management permettant de répondre à ces préoccupations.

    Livre "Les 160 lois de Chalvin"

mercredi 15 juin 2011

Discussion de couple sur l'univers...

Jihane et Hugo discutent en prenant leur petit déjeuner sur la terrasse, alors que le soleil vient de se lever.
-« J’aime bien me lever tôt, dit Jihane, et il m’arrive souvent, le matin, de contempler le lever du soleil. Tout en admirant la beauté du ciel souvent teinté de couleurs extraordinaires, intuitivement je ne peux m’empêcher de penser que l’astre du jour se déplace dans le ciel et que le monde autour de moi demeure plat, stable et immobile. »
-« Oui, cette intuition a été partagée pendant des millénaires par les hommes qui contemplaient le ciel, répond Hugo. Pourtant, depuis quelques siècles, la science nous a montré que c’était une erreur et affirme le contraire : ces collines que tu vois en face avec leurs routes, leurs maisons, leur végétation, tout ce paysage que l’on aperçoit dans le lointain, tout cela est en train de basculer lentement face au soleil, car la terre est ronde et tourne sur elle-même face au soleil. »
-« Tu as remarqué que le soleil ne se lève pas à la même place chaque jour ? Hier, il est sorti pile au-dessus de cet arbre, là-bas, et ce matin il était un tout petit peu plus à gauche… »
-« Eh oui, en cette période printanière, le soleil se lève chaque matin un peu plus vers le nord, parce que la terre tourne autour du soleil et, dans l’hémisphère nord, les jours rallongent… Quant à la lenteur, elle n’est qu’apparente, car la terre fonce dans l’espace autour du soleil à plus de 100 000 km/heure. »
-« Difficile à imaginer, c’est une vitesse terrifiante… »
-« Mais ce n’est pas tout : notre soleil, une étoile parmi des milliards d’autres, n’est pas immobile non plus, puisqu’il est en route pour un très long voyage autour du centre de la Galaxie, dont le tour prendra plus de 220 millions d’années pour s’effectuer… Sans compter que notre galaxie elle-même se déplace dans l’immensité de l’espace, comme des milliards d’autres galaxies : rien n’est stable, tout bouge dans notre univers… »
-« Arrête un peu, avec ta science ! Occupons-nous d’abord des problèmes immédiats et concrets à résoudre ici, sur place ! Franchement, il y a tant de choses urgentes à faire sur la terre, tes considérations astronomiques n’ont guère d’intérêt ! »
-« Sans intérêt ? Je comprends que tout cela puisse te donner le vertige – et à moi aussi – quand on réalise que la terre n’est qu’un petit grain de poussière lancé à grande vitesse dans l’espace, perdue parmi des milliards d’autres objets. Mais on n’a pas encore trouvé l’équivalent ailleurs. Et quand bien même on aurait trouvé une planète semblable, les distances en jeu sont telles que, dans l’état actuel de nos connaissances, il serait impossible de s’y rendre. Et c’est là que je te rejoins : car notre bonne vieille terre, avec tout ce qu’elle contient, constitue un bien très précieux dont nous sommes collectivement responsables. »
-« Oui… Sur ces bonnes paroles, aide-moi à débarrasser la table ! »

Notre vision de l'univers n'est pas forcément identique, n'est-ce pas ?


Renaud CHEREL




Voir aussi dans ce blog :
    Masculin / Féminin
    Relation de couple: fragile !

mardi 7 juin 2011

Observation et jugement

"Quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt" - Confucius
À chaque instant, nous sommes constamment bombardés par un flot d’information en provenance de notre environnement. Mais la nécessité s’impose de faire un tri, de hiérarchiser cette masse pour en éliminer l’accessoire et conserver l’essentiel. Ainsi, nous passons notre vie à évaluer les choses, plus ou moins consciemment : notre efficacité dépend pour une large part de cette capacité à évaluer rapidement, à discerner ce qui est bon ou mauvais, bien ou mal, positif ou négatif... Capacité de jugement, propre aux humains, absolument indispensable. Mais en même temps, elle peut nous rendre de fort mauvais services si nous n’y prenons pas garde. En effet, il nous arrive souvent de mêler l’observation d’un fait avec une évaluation, sur ce fait. Et nous croyons énoncer un fait alors que nous posons un jugement sur ce fait. En conséquence de cela, de nombreux problèmes de communication surgissent.

Quand Mahalia dit : « Armand est en colère contre moi sans aucune raison », elle mélange un fait observé : « Armand est en colère contre moi » avec une opinion personnelle : « j’estime qu’il n’a aucune raison d’être en colère. »

De même, quand Armand affirme : « Mahalia travaille trop, elle se tue à la tâche », il opère une confusion entre d’une part un fait : « Mahalia travaille beaucoup… » qui pourrait être précisé : « elle travaille plus de 45 heures par semaine » et d’autre part une prédiction qui n’est pas une certitude : « à mon avis, cela risque d’avoir des conséquences sur sa santé. »

Combien de fois prenons-nous nos jugements pour des observations ! Les confusions sont extrêmement fréquentes, et il est utile de les dépister, non pas pour refuser tout jugement, mais pour affiner sa capacité à distinguer les faits de leur évaluation et donc être plus clair, plus précis, dans ses observations, plus juste dans ses jugements, plus efficace dans ses décisions. Cela conduira aussi à une communication plus souple, plus harmonieuse et plus respectueuse de l’autre, dans le domaine professionnel, social ou celui de la vie privée.

Observer sans évaluer, voilà un des conseils donnés par la communication non violente proposée par Marshall M. Rosenberg. Dans la pratique, cela n’est pas aisé ; on s’en rend compte lorsqu’on tente de décrire le comportement d’une personne : -« Mon médecin écrit très mal ! » s’exclame Mahalia. Cela peut sembler être un constat objectif, et pourtant… la pharmacienne lit ses ordonnances sans problème : pour décrire le fait, elle pouvait dire : « Je n’arrive pas à déchiffrer l’écriture de mon médecin. »

C’est encore plus difficile dans le cas d’une personne avec laquelle on est en conflit. Armand, qui est en désaccord avec son chef, déclare : « De toute façon, il n’avouera jamais s’être trompé ! » Même si c’était effectivement le cas les trois dernières fois qu’ils se sont affrontés, rien ne prouve que ce sera nécessairement vrai dans des circonstances différentes : ce « jamais » érige une barrière entre les deux protagonistes qu’il sera difficile de franchir…


Renaud CHEREL



Voir aussi dans ce blog :
    Juger sur les comportements
    Visions du monde

Liens externes :
    La communication non violente
    Observer sans juger

jeudi 2 juin 2011

Couleurs : noir et blanc, gris, rose et brun

Hors des principales couleurs que nous avons examinées dans les lettres précédentes, je vous propose, parmi les myriades de teintes possibles, de nous attarder sur cinq d’entre elles.

Le blanc peut se situer aux deux extrémités de la gamme chromatique. Absolu, il peut exprimer soit l’absence, soit la somme des couleurs ; valeur limite, il symbolise à la fois la naissance et la mort ; c’est ainsi la couleur du passage d’un état à un autre, de la transfiguration. Sur l’axe Est-Ouest des mutations, le blanc de l’aube est comme un silence avant tout commencement, toute naissance. Le blanc, symbole de pureté, est une promesse, blanc de la robe de la future mariée – le rouge lui succèdera –, blanc du champ opératoire où jaillira le sang vital sous le bistouri du chirurgien. Le blanc facilite la clarté mentale, nous encourage à clarifier les confusions ou les obstacles, provoque la purification des pensées ou des actions pour redémarrer.

Zèbres de Vasarely
Le noir, comme le blanc, est aussi absence ou somme des couleurs. Associé aux ténèbres primordiales, il se situe sur l’axe Nord-Sud des transcendances et il exprime l’état de mort accomplie. Par extension, il exprime le renoncement au monde ; mais paradoxalement, le noir est celui du ventre du monde, riche de potentialités latentes, souvent associé avec le rouge de la vie. Associé à la nuit, il évoque la puissance de l’inconscient, mais aussi la mélancolie, le pessimisme : les idées noires... C'est une couleur classique pour l'habillement, probablement parce qu’elle fait apparaître le porteur plus mince et plus sophistiqué, avec une image de puissance, d’élégance peu manipulable et riche de potentialités.

Quelques logos basés sur le noir et blanc

Note : je donne ici mon commentaire à partir de ressentis personnels sans préjuger de la stratégie de communication des marques.

Avec son panda en noir et blanc, WWF peut se vanter d'avoir créé un des logos les plus populaires, reconnu dans le monde entier. Le WWF bénéficie de l'image positive du panda, animal à la fois extrêmement sympathique avec son apparence de gros nounours, et émouvant par son faciès de clown triste et son statut d'espèce menacée. Notez l'utilisation très astucieuse de la disposition du noir et du blanc, qui amène l'œil à reconstituer la tête et le dos de l'animal alors qu'ils ne sont pas délimités.

Le logo d'Adidas, quant à lui, a évolué vers la simplicité, ne conservant que les trois lignes horizontales noires accolées au nom de la marque. Arborant une élégance simple, il s'appuie sur la symbolique du noir et du blanc en tant que potentialité, promesse. Les trois lignes me font penser au trigramme du ciel, l'un des graphismes constituants des hexagrammes du Yi jing, le Traité des mutations chinois.

Le gris ou argenté, en équilibre entre les extrêmes du noir et du blanc, est le centre du monde de la couleur. De ce fait il est la couleur de l'intellect, du contrôle de soi, de la connaissance et de la sagesse. Il est aussi perçu comme durable, classique et raffiné. Évoquant l’âge mûr, le gris confère une image d’autorité et de dignité.

Quelques logos basés sur le gris
J'ai eu un peu plus de mal à trouver des logos entièrement gris : généralement cette couleur neutre est utilisée pour mettre en valeur d'autres couleurs.
Mais certains ont su l'utiliser avec bonheur. Par exemple, la marque automobile Honda a fort bien tiré parti des nuances de gris dans l'élégant logo en relief apparaissant sur ses modèles. Le H de Honda est inscrit dans un rectangle qui lui confère un cadre solide, mais dont la rigueur est très adoucie par l'arrondi des angles et la courbure des côtés. Les jambages du H, légèrement écartés, donnent une impression d'ouverture et de liberté, accentuée par l'espace plus large au-dessus qu'en dessous de la traverse. Le tout renvoie une image de discrète distinction.

Un certain nombre d'Ecoles de Commerce du groupe ESC ont choisi le gris pour leur logo. J'ai retenu celui de celle de Rennes que je trouve intéressant pour plusieurs raisons. Le graphisme me paraît un peu maladroit, un peu naïf, comme s'il avait été créé par un amateur, impression renforcée par le choix de la police de caractères. Mais en même temps il se dégage de l'image un certain dynamisme, et l'idée de faire figurer une panthère grise au lieu d'une panthère noire renforce l'idée aérienne suggérée par l'aile sur le dos de l'animal.



ancien logo                               nouveau logo     
Logitech, le fabricant suisse en matériel électronique (notamment les souris d’ordinateur), a redessiné son logo en janvier 2012, en modifiant la typographie, qui devient plus ronde, en diminuant la taille de l’emblème qui prend moins de place, et surtout en remplaçant la couleur avec effets 3D par un dessin en gris : il en résulte une image moins ludique, à la fois plus sérieuse et plus professionnelle.

Le rose s’obtient par le mélange de la passion du rouge avec la pureté du blanc. Si le blanc domine, le rose clair évoque la jeunesse, l’amusement ; et quand le rouge domine, le rose est plus sensuel et passionné sans être trop agressif. Le rose est la couleur du bonheur et de la régénération, c’est pourquoi une attraction vers le rose peut être signe d'un désir de retourner aux jours plus insouciants de l'enfance.

Les roses lumineux, comme le rouge, stimulent l'énergie et peuvent augmenter la tension artérielle, la respiration, les battements de cœur, et la fréquence du pouls. Ils encouragent également l'action et la confiance.

Quelques logos basés sur le rose

Vinone, une marque de vins, tire parti d'un rose qui rappelle la couleur de ce breuvage, tout en étant  fort éloignée de sa teinte réelle, car personne n'a jamais vu un vin rose bonbon. Le message est donc fortement orienté vers l'image ludique et insouciante, même si le cadre rectangulaire et le soulignement du nom lui apportent un peu de sérieux. Là aussi, la bouteille et le verre sont suggérés par du vide, le blanc n'étant pas délimité.

Avec les poupées Corolle, le rose est clairement celui de l'enfance, et plus précisément le monde des petites filles qui demeurent, même à notre époque, les principales utilisatrices des poupées. Dans ce graphisme rose sur rose, tout est dans la douceur et la tendresse des courbes est soulignée par le coeur figuré en place du second O de Corolle. La petite feuille de vert tendre vient apporter une petite note écologique à l'ensemble.  

La couleur marron – ou brune – est celle de la glèbe, du sol, de notre terre, associée à toutes les choses naturelles ou organiques. Chez les Romains c’était un symbole d’humilité et de pauvreté, repris par le vêtement de bure monastique. Le brun indique la stabilité, la fiabilité, une certaine simplicité abordable et apporte un sentiment de complétude, stabilise, confère une connexion à la terre, donne un sens d’ordre.

Quelques logos basés sur le marron

Jeff de Bruges a naturellement choisi la couleur du chocolat pour mettre en valeur ses produits. Pas de grande originalité ici: le nom est inscrit dans un rectangle - la tablette de chocolat - ; la police de caractère est très classique et sa couleur bleue pâle se rapproche de la complémentaire du marron.


La commune balnéaire de la Grande Motte, non loin de Montpellier, a choisi une approche plus originale. Le choix de la couleur marron est-il une allusion à la motte de terre ? Je n'en sais rien, mais en tout cas ce logo me paraît réussi, qui évoque à la fois par les bulles et leur légèreté les vacances et les loisirs et par la couleur marron la ruralité, la terre, la stabilité et le sens pratique.


Renaud CHEREL



Quelques expressions françaises basées sur ces couleurs
Beaucoup d'expressions utilisent les couleurs, dans leur sens littéral ou symbolique. En voici une liste non exhaustive.
Blanc
Expression
Signification
Aliment/ animal (poisson, viande, pain, fourmi, ver, raisin, vin...) blanc
Aliment ou animal de couleur claire, par opposition à celui de la même espèce d'une autre couleur (raison noir, vin ou viande rouge, etc.)

Année blanche
Année scolaire ou universitaire que des troubles sociaux ou politiques ont empêché de valider.

Arme blanche
Arme à lame, par opposition à arme à feu.

Avoir/ Donner carte blanche
Avoir/ Donner toute latitude.

Avoir un blanc
Avoir la mémoire défaillante pendant un court moment.

Balle à blanc
Munition pour pistolet ou fusil ne contenant que la charge explosive, sans balle (projectile).

Blanc
Silence dans une conversation.

Blanc, Blanche
Homme, femme de type caucasien, personne à la peau claire.

Blanc-bec
Jeune homme ignorant et fat (dont la bouche n'est pas encore assombri par la moustache).

Blanc bonnet et bonnet blanc
La même chose sous deux formes ou appellations différentes.

Blanche
(Musique) une note dont la durée est de deux temps. Ou une bière blanche (de couleur claire).

Blanchir l'argent sale
Faire en sorte que l'argent gagné illégalement se retrouve dans le circuit normal.

Blanchir sous le harnais
Acquérir de l'expérience.

Bruit blanc
(acoustique) Son composé de toutes les fréquences audibles.

Bulletin blanc
Bulletin de vote vierge, vide (voir vote blanc).

Chauffé à blanc
Porté à une température telle que le métal ou l'alliage devient blanc ; ou (sens figuré) très remonté.

Colère blanche
Forte colère : "être blanc de colère".

Connu comme le loup blanc
Très connu, connu de tous, en parlant d'une personne.

Cordage blanc
(marine) Cordage qui n'a pas été goudronné.

Coupe blanche, à blanc-estoc
Abattage total d'une forêt (couper à blanc).

De but en blanc
Brusquement, sans prévenir, à l'improviste.

Donner un blanc seing
Donner son aval sans limite.

Éléphant blanc
Gouffre financier, projet démesuré.

En blanc
Sans écriture (pour un document). Chèque en blanc : sans indication du bénéficiaire.

Être blanc-bleu
Avoir une réputation intacte.

Être blanc comme neige
Ne rien avoir à se reprocher, être innocent.

Être blanc comme un linge/ comme un cachet d'aspirine
Avoir l'air pâle, livide de peur ou de maladie.

Examen blanc
Examen-test.

Faire chou blanc 
Ne pas avoir l'effet escompté, échouer. Anciennement: "faire coup blanc".

Fixer quelqu'un dans le blanc des yeux
Le regarder avec assurance, impudence.

Hisser le drapeau blanc
Se rendre, capituler.

Manger son pain blanc
Faire le plus facile, traverser la période la plus heureuse.

Marquer d'une pierre blanche
Mettre parmi les jours fastes dont on gardera la mémoire.

Moine blanc
Moine cistercien.

Montrer patte blanche
Satisfaire aux critères d'entrée.

Oie blanche
Jeune fille naïve, candide, innocente.

Or blanc
Richesse représentée par la neige et le tourisme qui y est lié. Ou ancien nom du platine (aujourd'hui, alliage d'or et de palladium ou de nickel).

Page blanche
Page vierge.

Pages blanches (France)
Annuaire téléphonique des particuliers.

Passer une nuit blanche
Ne pas dormir de la nuit.

Petit blanc
Verre de vin blanc ; ou (Belgique) un petit verre d'alcool de Genièvre ou de Pecket

Peur blanche
Forte peur.

Russe blanc
Russe pro tsariste.

Saigner à blanc
Épuiser, exploiter.

Salle blanche
Pièce dont l'atmosphère et l'empoussièrement sont contrôlés.

Sauce blanche
Sauce faite de farine et de beurre qu'on n'a pas fait roussir.

Se faire des cheveux blancs
S'inquiéter assez fortement.

Semaine du blanc
Période consacrée par les magasins à la vente de linge de maison.

Sortir blanchi
Conserver son intégrité morale.

Tirer à blanc
Réagir, protester sans obtenir de résultats.

Vers blancs
Vers non rimés.

Voix blanche
Voix sans timbre.

Vote blanc
Vote d'abstention ou de rejet, protestataire.


Voir aussi dans ce blog :
    Couleurs : rouge et orangé
    Couleurs : jaune et vert
    Couleurs : bleu et violet
    Symboles