Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

jeudi 29 septembre 2011

Voyages et jeunesse

« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage… »

Vol au-dessus de la Grèce (photo R. Cherel)
Je pense vraiment que les voyages forment la jeunesse, et cette opinion est confortée à la fois par mon expérience personnelle et par les échanges que je peux avoir avec des jeunes ayant voyagé.

Les premiers grands voyages, effectués seul ou en bande à l’entrée dans l’âge adulte, conservent toujours le même intérêt éducatif : ils permettent au jeune de découvrir le monde, d’aller à la rencontre des autres, de prendre conscience d’autres valeurs et cultures et de conquérir son autonomie.

Le psychanalyste Gérard Haddad explique qu’ils font office de « rite de séparation et de socialisation » : le jeune qui part au loin doit s’arracher à son cocon familial et couper le cordon avec sa mère ; il s’ouvre à de nouveaux horizons et se retrouve face à lui-même. C’est pour lui l’occasion de rompre avec la routine pour se reconstruire dans un univers différent : un rôle que jouait partiellement le service militaire aujourd'hui disparu. À notre époque où la mondialisation est omniprésente, les voyages sont devenus encore plus indispensables à l’éducation de chacun. Pourtant, curieusement, très peu de jeunes Français voyagent aujourd’hui. Les 18-24 ans seraient même, d’après certaines études, ceux qui partent le moins de chez eux. L’écart se creuse entre les milieux sociaux. Selon le sociologue Jean Viard « les jeunes exclus sont aussi les exclus du voyage. En particulier dans les cités : les jeunes issus de l’immigration ne se déplacent pratiquement jamais. »

En même temps, l’expérience m’amène à dire que, là où l’on va, l’on transporte avec soi un certain regard, une certaine manière de filtrer la réalité. Il semble que la richesse du voyage, ce qu’il peut m’apporter et me faire découvrir, cela dépend du regard que je pose sur les choses, les événements et les gens. C’est peut-être la raison de l’intérêt de voyager jeune : on n’a pas encore formé d’opinion trop tranchée ou définitive sur les choses de la vie, on est moins enclin à comparer avec sa propre expérience, plus ouvert, plus capable d’assimiler les nouveautés.

Par contre, si l’on a passé la plus grande partie de son existence dans un univers fermé et étroit, il est certainement plus difficile de s’ouvrir sur le tard à la différence et à la nouveauté – même si c’est toujours possible. Marcel et Jean sont deux agriculteurs qui ont passé leur vie entière sur l’exploitation agricole sans être beaucoup sortis de leur commune. Au moment de la retraite, ils ont décidé avec leurs épouses d’aller visiter la Thaïlande. À leur retour, ils m’ont raconté leur périple : tout était comparé, mesuré à l’aune de ce qui se faisait dans leur village. L’essentiel de leur voyage était résumé par des commentaires sur la nourriture et l’hôtellerie : « la bouffe, c’était pas terrible ; ça ne valait pas les moules frites comme on les fait chez nous… »

L’exotique n’est pas forcément au bout du monde : si nous gardons l’œil ouvert et l’esprit curieux, nous pouvons aussi découvrir la nouveauté et la différence à deux pas de chez nous !


Renaud CHEREL




Voir aussi dans ce blog :
    Aider l'enfant à quitter père et mère
    Curiosité : défaut ou qualité ?

Liens externes :
    Enquête : les voyages forment la jeunesse


mardi 20 septembre 2011

Médiation (suite)

Nous avons passé en revue dans le message précédent (voir Médiation) les premières étapes de la médiation d’un conflit. Voyons ici les étapes suivantes.

3 - Évaluer la situation
A cette étape le médiateur a une vue suffisamment précise de la situation et de sa complexité pour juger de la façon dont elle peut être résolue, en prenant en compte :

D’abord les obstacles externes, liés à la situation : aspects matériels, financiers. Plus difficiles, les obstacles internes, liés aux personnes et qualifiés de politiques : personnalité des acteurs, réseaux relationnels, questions de pouvoir, croyances. Une croyance est le fait de croire une chose vraie, vraisemblable ou possible, sans possibilité de la démontrer, avec un aspect affectif fort. On peut distinguer des croyances limitantes, comme : « je ne suis pas capable de… » et des croyances aidantes : « j’ai de la chance. » Elles peuvent porter sur les autres, ou sur des généralisations : « Les gens du Nord sont plus travailleurs… »

La taille du problème
Le conflit est-il d’une taille gérable ou doit-il être découpé en plusieurs petits problèmes ? Parfois les sous-problèmes peuvent être partiellement traités par des personnes ou équipes différentes, ce qui fait gagner du temps.

Les chances de succès
Avez-vous une chance raisonnable de mettre fin au conflit ? Sinon, pouvez-vous faire appel à quelqu'un d’autre ? Évitez de vous engager dans une gestion de conflit si vous percevez à l’avance que vous n’obtiendrez pas de succès.

4 - Décider d’un processus
Dans le cas d’un conflit lourd, il peut être utile d’abord de définir les règles de la négociation, le lieu de rencontre, le contenu, le calendrier, le contenu.
Souvent, les besoins, les attentes des deux parties ne sont pas les mêmes. La présence du média-teur permet à chacun d’exprimer son objectif dans ses propres termes. Plus de la moitié des conflits viennent du fait que l’on ne comprend pas l’autre. Le médiateur use de ses talents de facilitateur et de fermeté pour obtenir que chaque partie écoute l’autre.

5 - Faire émerger des solutions
Le rôle du médiateur n’est pas de proposer des solutions, mais de créer les conditions favorables à la recherche de solutions par les deux parties, séparément ou ensemble, par des négociations formelles ou informelles.

La technique du brainstorming permet de trouver des idées en suspendant le jugement dans un premier temps pour faciliter la créativité de l’hémisphère droit du cerveau. Ensuite seulement l’on critique les idées trouvées en prenant soin de les transformer en solutions adaptées à la situation, puis l’on sélectionne les meilleures (pensée critique de l’hémisphère gauche).

6 - Établir un plan d’action
Proposition et mise en œuvre des actions à mettre en œuvre, jugées les plus pertinentes et les plus efficaces. Le plan d’action indique concrètement pour chaque action comment s’y prendre, l’ordre des actions, les délais dans lesquels elles vont être conduites. Assorti d’un échéancier, il est mis par écrit noir sur blanc et validé point par point par les deux parties.

Enfin, un certain nombre de contrôles doit être prévu dès le départ.


Renaud CHEREL




Voir aussi dans ce blog :
    Médiation

lundi 12 septembre 2011

Médiation

Il arrive qu’un manager soit amené à résoudre un conflit entre deux collaborateurs. Dans la mesure où il n’est pas personnellement impliqué, il peut adopter l’attitude du médiateur. Voici suggérées quelques étapes pour assurer un bon processus de médiation.

Médiation (dessin Renaud Cherel)
1 - Établir les faits (état de départ)
Le manager va d’abord se faire l’idée la plus objective possible de la situation et du/ des problèmes qui se posent. Pour cela, deux moyens complémentaires :
- conduire ses propres investigations ;
- demander aux deux parties de s’exprimer, non sur les symptômes mais sur le cœur du conflit.
Quel contexte ? Par exemple, on constate souvent des situations de communication difficile à la suite d’une fusion ou d’une acquisition, du fait que les cultures d’entreprise n’étaient pas les mêmes.
Quel est le problème ? Le médiateur peut se baser sur différentes sources d’information en plus de la version des protagonistes pour circonscrire le problème, éliminer les éléments secondaires ou parasites et arriver plus vite au but.
Que se passe-t-il réellement ? S’en tenir à une description concrète des faits en évitant les impressions, les jugements. Ceci paraît simple mais n’est pas toujours facile. Chacune des parties décrit la situation en fonction de son objectif déclaré, qui peut en cacher un autre, et à travers ses propres filtres.
Quelles personnes impliquées ? Définir les acteurs principaux et les personnes associées. Avoir une idée des réseaux d’influence de chacun.
Information supplémentaire ? Il n’est pas demandé au médiateur d’être un spécialiste du problème posé mais d’avoir un regard de candide cultivé.

2 - Identifier l’état souhaité
Le manager va d’abord interviewer séparément les deux parties : chacune peut dépeindre la situation avec sa propre logique et « vider son sac » sans interférer sur l’autre partie. Il va découvrir qu’il reste probablement un espace de liberté : y a-t-il là place pour une solution, un compromis ?
Objectifs : vers où chacune des deux parties veut-elle aller ? Quel est son objectif ? Identifier concrètement des comportements et des situations. Très souvent les gens savent ce qu’ils ne veulent pas ; mais ils ne savent pas ce qu’ils veulent. Attention : un objectif peut en cacher un autre !
Reliquat non résolu : quand on s’attelle à un problème, il peut être efficace de se dire qu’un reliquat (1% ou 10%...) ne sera pas résolu. Cela pour éviter le perfectionnisme.
Enjeux : c’est la notion très importante des conséquences. Les enjeux permettent de clarifier l’objectif. L’énergie n’est pas dans l’objectif, elle est dans les enjeux qui lui sont liés. Si pas d’enjeu, pas de motivation !
Il y a deux catégories de raisons pour lesquelles on décide de faire quelque chose : soit parce qu’on en espère des avantages ou des bénéfices, ou parce qu’on évite des ennuis, des inconvénients liés au fait de ne pas le faire. Les deux sont à creuser.


Renaud CHEREL



Etapes suivantes du processus.

Voir aussi dans ce blog :
    Communication non défensive

Liens externes : 
    http://gestion-de-conflit.over-blog.com/

jeudi 8 septembre 2011

Pluie

Après une longue et intenses période de sècheresse, voilà revenu le temps de la pluie.
Ce matin, à l’aube, c’est la grisaille : le ciel est uniformément sombre, la luminosité est faible, la lumière me parvient comme tamisée. Par la fenêtre, dans une atmosphère ouatée, j’aperçois au-delà des arbres, dans le lointain, les contours des collines qui paraissent estompés par les rideaux de pluie. Une brume légère monte du sol, tout le paysage semble noyé dans l’humidité qui imprègne l’atmosphère. L’air est calme, un peu de vent agite mollement les rameaux des arbres, dont les feuilles trépident sous l’impact des gouttes qui tombent sans discontinuer. Par moments un souffle de vent surgit, agitant la cime des arbres qui se balancent lentement, puis le calme revient.
 
Murmure de la pluie tombant sur les feuilles...
J’entends le murmure doux et régulier de la pluie qui tombe en averse sur les feuilles des arbres. Quelque part un gargouillis de l’eau qui dégringole d’une gouttière et le flic-floc du goutte-à-goutte d’un tuyau qui déborde créent un son liquide, musical. Les oiseaux se sont tus, on ne les entend plus, cachés qu’ils sont sous les ramures les plus épaisses ou dans quelque creux de tronc ou de branchages : ils attendent le retour d’un rayon de soleil, bien à l’abri de l’ondée. En dehors du bruissement des feuilles des arbres, on n’entend presque plus les sons familiers, assourdis, étouffés par la pluie.

C’est un temps qui incite à demeurer sous la couette, bien au chaud dans un univers douillet. Je suis envahi par une sensation d’uniformité, d’homogénéité, l’impression d’être enveloppé par cette pluie, dans un cocon qui évoque le retour au sein maternel, à la matrice primordiale, à l’origine, à l’enfance, au paradis perdu. La pluie parfois nous incite au retour sur soi et suscite des sentiments de langueur, de tristesse, de nostalgie. Aujourd'hui, elle évoque plutôt le calme, la sérénité, le bonheur tranquille. La pluie est associée à tant de symboles : c’est l’eau qui tombe du ciel et qui vient féconder la terre ; sans elle, pas de végétation, pas de récolte, pas de vie. C’est l’eau nourricière, l’eau désaltérante, l’eau bienfaitrice, l’eau maternelle, l’eau de jouvence qui vient régénérer les êtres vivants.

Il me faut mettre le nez dehors, après m’être équipé d’un vêtement imperméable et de solides chaussures. La température de l’air est douce, il ne fait ni trop chaud ni trop froid. L’air est humide, et cette humidité qui imprègne l’atmosphère lui confère une qualité un peu particulière, une très légère sensation de moiteur lorsque je la respire. Je savoure la sensation des gouttes de pluie qui me tombent sur le visage et sur les mains, la caresse de l’air frais sur la figure. Par endroits mes pieds s’enfoncent dans le sol détrempé, saturé d’eau. Je respire profondément, humant l’air : je perçois l’odeur de la terre mouillée qui remonte, une odeur primitive, basique, d’humus et de végétation.

Mais il va falloir affronter le dehors, l’attention nécessité par les risques accrus : circulation plus intense, moindre visibilité, route plus glissante. Me voilà replongé dans la « civilisation »…


Renaud CHEREL



Voir aussi dans ce blog :
    Le temps qu'il fait

samedi 3 septembre 2011

Compliqué ou complexe ?

Exemple d'objets complexes : les fractales
Un manager pose la question suivante à ses collègues : « Qu’est-ce qui est le plus compliqué pour vous ? »

-« La relation managériale est compliquée, répond Didier, si on veut pouvoir utiliser les gens au maximum de leurs capacités. Je sais les emmener, partager mes projets et ceux des clients. Mais là, attention : on s’imagine que les gens sont des outils, et l’objectif est la rentabilité. C’est vrai, mais de l’autre côté il faut écouter les gens, c’est très important. Moi, je sais quand mes commerciaux vont bien ou pas bien. Si quelqu'un va bien, sa production est bonne, et inversement. »

-« J’aime bien être stimulée intellectuellement, explique Raphaëlle. Je suis à l’aise pour analyser des situations complexes ; je ne parle pas de résoudre des équations, mais des situations à cheval sur plusieurs choses, des millefeuilles de problèmes technique qui se mélangent avec de la politique, etc. Ce genre de choses, j’arrive à bien les décortiquer, à trouver sur quelle ficelle tirer pour dénouer le tout, comment résoudre les problèmes intriqués, techniques et politiques… Cela, ça garde un aspect très concret, très pratique et ça me va ; par contre, je me sens moins à l’aise dans l’aspect purement relations humaines… »

-« Euh... Je ne sais pas… » Agnès réfléchit : « Le plus compliqué pour moi, c’est probablement les conflits ; pas les conflits qui me sont extérieurs, ça je gère assez bien… Mais quand on m’agresse directement, j’ai beaucoup de mal à réagir. C’est pour cela que j’ai du mal à dire non à la demande d’un supérieur hiérarchique. J’ai tendance à dire oui, même si je ne suis pas d’accord… Ensuite, je m’en veux d’avoir accepté et il m’arrive de transférer ma colère contre quelqu'un d’autre sous un prétexte quelconque. Je suis compliquée, n’est-ce pas ? »

-« Les situations complexes, je m’en débrouille ! », coupe Hervé. « Je suis payé pour ça et je n’aime pas danser d’un pied sur l’autre pendant des heures. Je m’informe, je me renseigne et une fois que j’estime avoir les éléments nécessaires, je décide. Parfois les gens sont trop compliqués, ils se créent des obstacles là où il n’y en a pas… De toute façon, pour avancer, il faut trancher, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, non ? »

Les choses ne sont pas compliquées de la même façon pour Didier, Raphaëlle, Agnès ou Hervé. Si l’on se réfère au dictionnaire :
Complexe : (du latin plectere : tresser, entrelacer) : qui contient, qui réunit plusieurs éléments différents.
Compliqué : (du latin plicare : plier, replier, enrouler) : qui possède de nombreux éléments dont l’agencement matériel ou logique est difficile à comprendre, ou le rend difficile à faire.

Autrement dit, l’adjectif « complexe » se restreint à décrire les faits ou la situation observée ; par contre, le mot « compliqué » renvoie à un jugement, une évaluation sur la difficulté induite par la situation ou le fait observé. C’est pourquoi les choses s’avèrent plus ou moins compliquées par leur nature mais aussi selon notre personnalité, notre façon de voir le monde.

Le monde est certainement complexe, mais c’est nous qui le rendons compliqué !


Renaud CHEREL




Voir aussi dans ce blog :
    Catégoriser a ses limites

Liens externes :
    le blog de Thierry Crouzet