« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage… »
Vol au-dessus de la Grèce (photo R. Cherel) |
Les premiers grands voyages, effectués seul ou en bande à l’entrée dans l’âge adulte, conservent toujours le même intérêt éducatif : ils permettent au jeune de découvrir le monde, d’aller à la rencontre des autres, de prendre conscience d’autres valeurs et cultures et de conquérir son autonomie.
Le psychanalyste Gérard Haddad explique qu’ils font office de « rite de séparation et de socialisation » : le jeune qui part au loin doit s’arracher à son cocon familial et couper le cordon avec sa mère ; il s’ouvre à de nouveaux horizons et se retrouve face à lui-même. C’est pour lui l’occasion de rompre avec la routine pour se reconstruire dans un univers différent : un rôle que jouait partiellement le service militaire aujourd'hui disparu. À notre époque où la mondialisation est omniprésente, les voyages sont devenus encore plus indispensables à l’éducation de chacun. Pourtant, curieusement, très peu de jeunes Français voyagent aujourd’hui. Les 18-24 ans seraient même, d’après certaines études, ceux qui partent le moins de chez eux. L’écart se creuse entre les milieux sociaux. Selon le sociologue Jean Viard « les jeunes exclus sont aussi les exclus du voyage. En particulier dans les cités : les jeunes issus de l’immigration ne se déplacent pratiquement jamais. »
En même temps, l’expérience m’amène à dire que, là où l’on va, l’on transporte avec soi un certain regard, une certaine manière de filtrer la réalité. Il semble que la richesse du voyage, ce qu’il peut m’apporter et me faire découvrir, cela dépend du regard que je pose sur les choses, les événements et les gens. C’est peut-être la raison de l’intérêt de voyager jeune : on n’a pas encore formé d’opinion trop tranchée ou définitive sur les choses de la vie, on est moins enclin à comparer avec sa propre expérience, plus ouvert, plus capable d’assimiler les nouveautés.
Par contre, si l’on a passé la plus grande partie de son existence dans un univers fermé et étroit, il est certainement plus difficile de s’ouvrir sur le tard à la différence et à la nouveauté – même si c’est toujours possible. Marcel et Jean sont deux agriculteurs qui ont passé leur vie entière sur l’exploitation agricole sans être beaucoup sortis de leur commune. Au moment de la retraite, ils ont décidé avec leurs épouses d’aller visiter la Thaïlande. À leur retour, ils m’ont raconté leur périple : tout était comparé, mesuré à l’aune de ce qui se faisait dans leur village. L’essentiel de leur voyage était résumé par des commentaires sur la nourriture et l’hôtellerie : « la bouffe, c’était pas terrible ; ça ne valait pas les moules frites comme on les fait chez nous… »
L’exotique n’est pas forcément au bout du monde : si nous gardons l’œil ouvert et l’esprit curieux, nous pouvons aussi découvrir la nouveauté et la différence à deux pas de chez nous !
Renaud CHEREL
Voir aussi dans ce blog :
Aider l'enfant à quitter père et mère
Curiosité : défaut ou qualité ?
Liens externes :
Enquête : les voyages forment la jeunesse
Renaud CHEREL
Voir aussi dans ce blog :
Aider l'enfant à quitter père et mère
Curiosité : défaut ou qualité ?
Liens externes :
Enquête : les voyages forment la jeunesse
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire