Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 23 juillet 2012

Relations humaines


Sortir de soi pour créer une relation (Le Petit Prince et le Renard)
Dans le dernier message, nous avons brièvement évoqué les notions de « dedans » et de « dehors » ; aujourd'hui j’aimerais examiner, en ce qui nous concerne, les relations qui peuvent exister entre le « dedans » et le « dehors ».

Une chose est certaine : notre « dedans » ne peut pas physiquement exister sans la présence d’un « dehors », et il ne peut pas se maintenir sans prélever constamment des ressources dans ce « dehors » : notre corps ne peut survivre sans consommer de l’air, de l’eau, de la nourriture. Mais il ne survivra pas non plus sans restituer à l’extérieur un certain nombre de déchets ; il y a donc continuellement des échanges entre le « dedans » et le « dehors », et cela est vrai pour tous les organismes vivants.

Si nous considérons maintenant les activités proprement humaines, mentales, psychologiques et spirituelles, nous pouvons faire le même constat : ces activités ne peuvent se maintenir que par un échange continu avec l’extérieur. Pour me développer en tant qu’être humain, j’ai besoin d’être en contact avec le monde, de recevoir des stimuli, des informations, des manifestations d’émotions et j’ai aussi besoin d’émettre des opinions, des questions, des émotions. L’immense majorité des humains que nous sommes a besoin d’échanges continus, même si quelques individus exceptionnels sont capables de s’en passer pendant une partie de leur vie, comme les ermites ou certains yogis.

Nous avons besoin d’échanger, certes, mais en protégeant notre intériorité : un échange équilibré suppose d’avoir les moyens de résister aux tentatives éventuelles d’intrusion, d’envahissement ou d’accaparement de la part de l’autre. Mais sans tomber dans la fermeture, le repli sur soi, la méfiance indue qui risquent de conduire à l’isolement.

Inversement, cela suppose de savoir résister aux tentations de posséder ou contrôler l’autre ou de vouloir tout savoir de lui : il est nécessaire que chacun puisse conserver son jardin secret. Et c’est là que la difficulté surgit : la ligne de frontière est étroite entre l’ouverture à l’autre et la réserve nécessaire pour protéger notre intimité, entre la trop grande discrétion et le risque d’envahissement ; fluctuante, cette frontière est sans cesse négociée en fonction du statut de l’autre et de notre degré d’implication avec cette personne.

Cette négociation est délicate et difficile, notamment dans les situations de crise, et chacun de nous est amené à en traverser. Mon expérience m’amène à constater que beaucoup de difficultés auxquelles nous sommes confrontés ne viennent pas tant des situations en elles-mêmes que de notre façon de gérer nos relations avec les autres dans ces circonstances.

Dans notre société actuelle, les possibilités de communication sont infiniment plus vastes qu’elles n’ont jamais été. Mais cela ne va pas sans revers ; la quantité ne remplace pas la qualité, et le nombre d’« amis’ dans les réseaux sociaux d’une personne n’est pas forcément proportionnel à la qualité de ses relations. Il me semble important de préserver un certain nombre de relations autres que superficielles, qui m’engagent et qui engagent l’autre, et en qui je peux faire confiance.

Renaud CHEREL



Message en rapport avec le thème dans ce blog :
    Chaleur humaine
    Reformulation
    Compétition et concurrence
    Tutoiement et vouvoiement
    Les neurones miroirs
    Amitié

Liens externes :
    Le blog de Bernard Romain   (Article à propos d'Édith Stein : intériorité et altérité).

lundi 16 juillet 2012

Dedans, dehors


Dedans et dehors sont deux mots qui possèdent une formidable puissance d’évocation. Sans chercher à être exhaustif, voici quelques pistes.

Le mot « dedans » peut évoquer le lieu où j’habite, appartement ou maison, avec ses caractéristiques concrètes, un endroit protégé de l’extérieur par des murs ou des cloisons, confortable, où règne une certaine chaleur et où je me sens en sécurité. Il peut aussi évoquer l’idée de caverne, de grotte, de profondeur, avec d’autres caractéristiques : creux, sombre, humide. Cela peut évoquer la symbolique maternelle : le sein maternel, la matrice, le ventre, l’utérus et par extension la symbolique du sexe féminin. Ou bien, dans la sphère sociale, le cocon familial, les proches, le cercle des amis intimes. « Dedans » peut évoquer des actions : faire entrer, accueillir chez soi, écouter avec bienveillance, mais aussi consoler, envelopper, materner. Au contraire, rester en dedans peut parfois rappeler la notion de fermeture, le retrait, le repli sur soi, l’enfermement.
L’automobile est à mon sens un objet moderne qui concentre ces différents aspects, une sorte de « dedans » transportable avec tous ses fantasmes.

Le « dehors » est plutôt associé aux éléments naturels, au vent, au froid et aux dangers qui sont souvent perçus comme venant de l’extérieur : ennemis, prédateurs, accidents, événements imprévus. La recherche des causes admet souvent un agent extérieur. D’un autre côté, l’extérieur est aussi symbole d’ouverture, source de découverte, de nouveauté, de surprise, d’aventure et de liberté. Le dehors, c’est l’altérité, la différence, vers laquelle nous sommes attirés par la curiosité, l’envie de connaître ou de découvrir… « Dehors » renvoie davantage à la symbolique paternelle qui ouvre à la notion de tiers, l’autre, l’inconnu, l’étranger, le prochain, le différent mais aussi le rival, la compétition. 
« Dehors » évoque l’espace, ou même les grands espaces comme la mer, le désert, espace qui peut être infini. « Dehors » invite à des actions comme s’éloigner, voyager, parcourir, se perdre, vagabonder. Mais aussi ouvrir, sortir, permettre, libérer…

Le psychologue américain Frederic Hudson notait que, dans la société plus traditionnelle qui nous précédait, la plupart des gens se conformaient aux us et coutumes de leurs temps, et leurs codes de vie étaient souvent dictés par le dehors : l’appartenance à un groupe social, à une religion, leur niveau de richesse, leur sexe, etc. Leur vie était surtout influencée par des facteurs extérieurs. Aujourd'hui, ces influences existent toujours et on ne saurait les négliger ; mais, dit Hudson, les gens se définissent moins par ces éléments extérieurs et plus par le dedans ; l’individu est plus amené à se prendre en charge en posant des questions du type : « Qu’est-ce je vais faire dans ma vie ? » Dans la société moderne, il y a davantage de possibilités de choix, moins de repères externes, et chacun est poussé à se référer davantage à des repères internes, ce qui peut éventuellement générer plus d’anxiété. D’où le recours éventuel à des personnes telles que les psychothérapeutes ou les coachs, dont les services sont davantage sollicités aujourd'hui qu’hier.

Vais-je rester dans ma bulle ? (Photo R. Cherel)

Renaud CHEREL



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    Se situer dans l'espace
    Regards par la fenêtre
    Relations humaines
    Ouvrir des possibles
    Locus de contrôle
    Extraversion, introversion
    Guérir-guérison active et guérison passive

lundi 9 juillet 2012

Curiosité : défaut ou qualité ?


Quelques amis discutent autour d’un verre à propos de la curiosité.

Eloi en fait l’éloge : « Combien de fois n’ai-je pas entendu cette phrase : la curiosité est un vilain défaut ? Pourtant, c’est la curiosité qui fait avancer la science, qui nous pousse à découvrir sans cesse des choses nouvelles et à progresser. Sans la curiosité, on en serait encore à l’âge des cavernes ! »

Delphine n’est pas tout à fait du même avis : « La curiosité, c’est bien ; si c’est pour acquérir un savoir, c’est sympa… mais ça dépend dans quel sens on parle de curiosité… Il y a un sens moins noble, celui de farfouiller dans la vie des gens. »

Eloi reprend : « La curiosité, pour moi, c’est un moteur : je m’intéresse à tout ! J’aime ce qui est plein de potentialités et la curiosité m’est nécessaire pour ne pas sombrer dans la morosité. Moi, je ne cherche pas vingt ans sur un sujet ; je cherche à comprendre les grandes lignes, comment ça marche. Après, je n’ai plus de curiosité sur ce truc-là et je passe à autre chose…Vous êtes curieux, vous aussi ? »

-« Moi, dit Delphine, ma curiosité, elle est pratique : je cherche à connaître les intentions des gens, question de ne pas me faire avoir... Mais je n’ai jamais été prise en défaut d’être trop curieuse : je me suis toujours arrêtée au bon moment. »

-« Moi aussi, j’aime changer, j’aime découvrir, je suis curieuse, répond Candice. Je vois un intérêt dans les choses nouvelles, j’ai une curiosité à assouvir, ça m’apporte des émotions intenses ; et puis quand j’en ai fait le tour, très vite ça m’ennuie. Ce que j’aimais bien faire devient ennuyeux dès que ça tombe dans la routine. »

Muriel exprime les choses autrement : « La curiosité ? Moi, ce qui m’importe, c’est de connaître la vérité ; sur les questions importantes, je me suis fait une idée de la vérité. Mais, depuis quelque temps, j’essaye de regarder comment s’interprète la vérité ailleurs. Ainsi j’ai réalisé que ma vérité n’est que la mienne, parfois, c’est une remise en question et c’est douloureux. »

Florian est plus dubitatif : « Est-ce que j’ai de la curiosité ? Je ne sais pas… je ne suis pas sûr… à vrai dire je n’ai pas creusé le sujet… Je crois que je ne suis pas quelqu’un de très curieux. Je pourrais dire que ma curiosité est tardive : les questions me viennent trop tard, quand on est passé à autre chose ; alors, bon, je me tais. »

Ainsi, comme beaucoup d’autres traits, la curiosité présente à la fois des aspects positifs et négatifs, et chacun l’utilisera à sa manière. Elle peut être considérée comme positive lorsqu’elle nous aide à comprendre le monde. Mais en société, la curiosité peut parfois heurter la sensibilité ou les intérêts d’autrui et être ressentie comme gênante ou envahissante, de façon variable selon la sensibilité de l’interlocuteur et des codes sociaux.

Et vous, comment considérez-vous la curiosité ?

Renaud CHEREL



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    Défauts et qualités
    Les talents
    Les points faibles
    Ouvrir des possibles
    Etonnement
    Voyages et jeunesse
    L'attrait de la nouveauté

Liens externes :
    http://www.curiosites-galerie.com/curiosites   une galerie d'art
    http://lartdelacuriosite.blogspot.fr/  le blog d'une personne curieuse, gourmande
    et enthousiaste

lundi 2 juillet 2012

Pardon et exigence


Oriane et Maurice se disputent régulièrement, et leurs scènes sont parfois assez violentes : la dernière fois, Oriane a lancé des insanités à la tête de Maurice qui a réagi en giflant sa compagne. Cependant, très souvent, les choses se terminent un peu de la même façon : après qu’Oriane ait pris de la distance, Maurice revient tout penaud vers elle en lui disant qu’il regrette ce qu’il a fait et qu’il ne recommencera plus. Oriane lui reproche vivement son comportement puis, la plupart du temps, devant l’attitude contrite de Maurice, elle finit par lui répondre qu’elle lui pardonne et ils se réconcilient sur l’oreiller. Mais insensiblement la situation se dégrade et Oriane a l’impression que peu à peu ils entrent dans une spirale de violence dont ils n’arrivent plus à se dégager…

Tous les pédagogues le savent : le pardon doit se conjuguer avec l’exigence. Le pardon, tel que nous l’avons défini précédemment, n’a rien à voir avec le laisser-faire, le laxisme ou l’excès d’indulgence. Compris dans ce sens, non seulement le pardon a peu de valeur, mais il risque d’entraîner des conséquences négatives, il devient toxique  pour la relation.

Ainsi, une étude étalée sur quatre ans effectuée par un psychologue américain auprès de jeunes couples mariés montre que la façon d’exprimer le pardon influe sur leurs relations : les couples ayant déclaré être relativement indulgents maintenaient un niveau d’agressions stable (agressions psychologiques et physiques). Les couples moins indulgents, au contraire, connaissaient une baisse de ces mêmes agressions après plusieurs années de mariage. L’auteur, qui a aussi étudié le comportement de délinquants, interprète ces résultats de la façon suivante : le fait de trop facilement pardonner peut conduire l’autre à se sentir libre de récidiver ; inversement, la fermeté pousse l’autre à prendre davantage en considération les conséquences indésirables de ses actes.

Comme on l’a vu précédemment, le pardon n’est pas l’excuse ni l’oubli, il n’enlève pas la responsabilité de la faute commise. Si ces conditions ne sont pas respectées, les interlocuteurs risquent de glisser, comme Oriane et Maurice, dans la relation dite du « triangle dramatique ». C’est un scénario relationnel toxique décrit par le psychologue Karpman : les protagonistes vont se situer dans l’un des trois rôles symboliques de Victime, Persécuteur ou Sauveur. Quand une personne utilise l’un de ces rôles (par exemple la Victime), il y a de grandes chances qu’elle entraîne l’autre à jouer un rôle complémentaire (le Sauveur ou le Persécuteur). Ainsi, dans une altercation, Maurice peut être le Persécuteur et Oriane la Victime. Mais l’expérience montre que souvent, les interlocuteurs passent d’un rôle à l’autre selon les moments : du rôle de Victime, la personne peut par exemple passer à celui de Persécuteur. Quand Maurice vient s’excuser auprès d’Oriane, il peut entrer dans le rôle de Victime, tandis qu’Oriane peut facilement passer dans le rôle du Persécuteur… et ainsi de suite. Sortir de cette dynamique triangulaire n’est pas chose aisée.
Le triangle dramatique de Karpman
L’acte de pardonner n’est donc pas anodin : il doit garder son caractère exceptionnel et doit être utilisé avec discernement.

Renaud CHEREL



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