Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

mardi 29 septembre 2009

L'automne

Mardi dernier, notre calendrier annonçait le début de l’automne. L'automne, c’est le temps des vendanges, des récoltes de fruits. Traditionnellement, la saison du stockage des provisions pour la longue saison d'hiver qui vient, la préparation des conserves ou des confitures. C’est aussi un moment de festivités et de réunions, un temps où l’on célèbre les moissons et l’abondance.
Beauté des feuillages d'automne (Photo R. Cherel)

L’automne, c’est peut-être la nostalgie des années d’enfance. Les émotions ressenties dans la nouvelle classe ou la nouvelle école. Les marrons collectionnés dans la cour. L’odeur des cartables neufs et des nouveaux livres, des feuilles de papier et des nouveaux feutres. Les nouveaux camarades et les anciens que l’on retrouve après les vacances. Le rangement des vêtements d'été et la sortie des tenues de demi-saison.

À l’automne, les arbres se dénudent peu à peu, leurs feuilles tourbillonnant dans le vent. Les matins sont frais mais certains après-midis sont glorieux dans les rayons obliques du soleil. La couleur des feuilles offre un éventail de nuances entre les verts de l'été et les bruns mats annonçant l’hiver. Éclatent les jaunes : pur, orangé, pâle, lumineux… et les rouges de toutes sortes : cramoisi, ardent, marron, vermeil…

J’ai déjà parlé de la façon de représenter notre vie comme une succession de cycles, qui passeraient chacun par les quatre saisons. Dans notre société, on demande à l’individu d’être dans la créativité (le printemps) et la productivité (l’été) ; mais on n’accepte pas l’automne. Pourtant, c’est une saison indispensable pour boucler le cycle de l’année. De la même façon, c’est aussi un moment important dans nos cycles de vie. L’automne est une saison qui nous appelle à nous départir – à laisser tomber comme les feuilles mortes tombent de l’arbre – tout ce qui nous freine, nous empêche de nous développer, de progresser sur notre chemin de vie. Ce qui fait obstacle peut être un travail, une relation, un projet, ou un comportement, une manière de penser et d'être. Pour certains d'entre nous, cela peut être la vision du monde que nous avons apprise dans notre enfance. Quand nous étions jeunes, cette façon de voir était probablement la meilleure que nous pouvions avoir, et la mieux adaptée aux circonstances. Mais il se peut qu’elle ne soit plus adaptée à ce que nous vivons aujourd'hui. Au moment où l’automne survient, c’est le moment d’honorer nos anciennes manières d'être et de croire – nous ne les méprisons pas, car elles nous ont été utiles pour nous construire –, et puis de les laisser disparaître.

C'est également le moment de reconnaître les aspects de notre vie que qui nous semblent les plus importants. Dans l’ancienne Chine, l’on avait l’habitude de s’incliner devant celui que l’on recevait en un geste d'honneur et de respect. De la même façon, l’automne est la saison où nous nous inclinons simplement devant la vie, en la reconnaissant telle qu’elle est. Même si la vie n’est pas exactement comme nous souhaiterions qu’elle soit, nous nous inclinons devant ce qu’elle est.

Renaud CHEREL


Voir aussi dans ce blog :
    Le cycle des saisons de notre vie : fin d'été et automne
    La rentrée
    Élagage

lundi 21 septembre 2009

Donner un nom

Nous passons notre temps à nommer des choses ; tout ce que nous connaissons a un nom. Même quand nous ne parlons pas, en pensée nous désignons souvent les choses par leur nom.

Baptême du navire "Costa Concordia" dont le nom reste gravé dans les mémoires.
Dans un coin de rue mal éclairé, la nuit, Gérard aperçoit le mouvement souple d’un animal qui saute sur le mur et disparait. Il se dit : « Tiens, voilà un chat. » Ce simple nom de « chat » lui permet immédiatement d’accéder à un grand nombre d’informations concernant cet animal qu’il a à peine entrevu : par exemple, alors que Gérard ne l’a pas entendu, il sait qu’il peut miauler et ronronner ; qu’il a quatre patte avec des griffes, qu’il est couvert de poils, qu’il est plutôt carnassier, etc.

Si sa voisine lui dit : « J’ai rencontré Micheline », Gérard sait qu’elle a rencontré une personne de sexe féminin, probablement francophone – car sa voisine ne parle que le français. Et comme en plus il y a une Micheline dans leurs connaissances communes, il voit immédiatement de qui elle parle précisément : c’est une femme de quarante ans environ, mère de deux enfants scolarisés dans l’école du quartier, qui habite dans telle rue et qui exerce telle profession…

Autrement dit, un nom, que ce soit celui d’un objet, d’une plante, d’un animal, d’une personne, ou même celui d’un concept général, ce nom transporte avec lui un grand nombre d’informations ; d’autant plus d’informations que l’on connait bien le sujet en question. Nommer, donner un nom, c’est donc un acte à la fois très ordinaire et très important, dont on ne mesure pas forcément toutes les ramifications.

Pas étonnant que cet acte de nommer ait une telle force dans les grands mythes de l’humanité. Et la psychologie moderne confirme cette intuition profonde : ce qui n’est pas nommé a beaucoup de mal à exister dans notre esprit. Nommer, c’est faire exister, c’est faire advenir à ma conscience des choses et des êtres, qui auparavant n’existaient pas pour moi. Or, le fait qu’ils n’existent pas peut avoir des conséquences très négatives pour moi-même et, par suite, pour les autres. C’est la raison d’être de la plupart des thérapies : faire accéder à la conscience ce qui pour elle n’existe pas, en utilisant la parole, en mettant des mots sur le non-dit.

Le coach, sans être un psychothérapeute, procède lui aussi de cette façon. Il accompagne la personne dans sa démarche, en lui permettant de se définir elle-même un objectif et des moyens pour y arriver. Se sentant écoutée, la personne va pouvoir mettre des mots sur tout cela et sur les émotions qu’elle en ressent. Elle va pouvoir identifier à la fois les obstacles et les ressources qu’elle possédait en elle-même, mais qu’elle ignorait, faute d’y avoir mis des noms.

Alors, les choses qui n’en avaient plus vont reprendre du sens.


Renaud CHEREL



Voir aussi dans ce blog :

    Classements et catégories

Liens externes
    Appelez les gens par leur nom

Bibliographie :

J'ai trouvé le commentaire suivant qui apporte un éclairage différent et m'a paru intéressant dans le cadre de cette réflexion :

« C'est que dénommer, c'est appeler à la vie ; mais nommer, c'est prononcer le nom, c'est agir sur l'âme, c'est faire violence, c'est s'emparer de la puissance que détient celui que l'on nomme : se nommer, c'est donc aussi se découvrir, donner accès à son intimité ; c'est déjà se soumettre. »

Extrait de Lilith ou la Mère Obscure, de Jacques Bril, éd. Payot, Paris 1981, 217 pages.


lundi 14 septembre 2009

Points de vue

Nous avons tendance à ne voir qu'un aspect de la réalité...
Pendant ces vacances, la famille Dupont a dû faire un long trajet en voiture pour gagner son lieu de villégiature. Sur la route, Quentin a proposé à ses enfants, parmi d’autres activités, l’exercice suivant : « Vous allez bien observer ce que vous voyez sur la route ; et à l’arrivée, chacun dira ce qui l’a intéressé le plus. D’accord ? » Les jeunes regardent de tous leurs yeux.

A l’arrivée, on fait le point : -« Moi, dit la benjamine, j’ai vu plein d’animaux ! Il y avait de belles vaches dans les prés, des noires, des blanches, et d’autres avec plusieurs couleurs. J’en ai vu avec de grandes cornes, et d’autres, elles n’avaient pas de cornes du tout ! Et puis j’ai vu des moutons aussi, des gros et des petits. »

-« Moi, dit l’aîné, j’ai bien observé les panneaux publicitaires sur le trajet. Il y en avait des centaines, et de types très différents : certains étaient bien conçus, mais la plupart d’entre eux étaient de très mauvais goût, les couleurs étaient mal choisies... Et puis, ils ne sont pas toujours bien positionnés, parfois on a à peine le temps de les regarder. Je me suis fait un petit classement personnel, et j’ai placé la marque X en top position… »

Sa mère enchaîne : -« Les panneaux publicitaires ? Je n’y ai pas fait attention !… Par contre, j’ai regardé les maisons : celles où j’aimerais habiter, celles que je déteste… J’ai bien aimé, quand on a traversé les vieux villages, certaines de ces maisons qui ont du caractère. Avez-vous remarqué, les enfants, quand on est partis de chez nous, les maisons avaient des toits gris, en ardoise ? Mais ensuite on a trouvé des toits rouges, en tuiles, comme ici. »

Quentin n’a pratiquement rien vu de tout cela ; absorbé par la conduite sur une route où la circulation était dense, il a été plutôt sensible aux grands changements de paysage, depuis la plaine céréalière ouverte et un peu monotone de la région parisienne à la douceur des collines et du paysage en damier du Sud-Ouest. Ses yeux ont certainement vu les panneaux publicitaires et les troupeaux croisés sur la route, mais il n’en a rien retenu.

Cette petite expérience est le reflet de ce que nous vivons plus généralement : chacun de nous a son point de vue, mais nous ne sommes pas forcément conscients de n’observer qu’une partie de la réalité. Un peu comme si nous étions munis de lunettes avec des filtres différents : chacun voit une certaine tonalité, mais a du mal à prendre conscience des autres coloris.

Pourquoi ne pas profiter de cette rentrée pour nous ouvrir à d’autres points de vue, pour être plus attentifs à l’extraordinaire richesse de la réalité autour de nous ?


Renaud CHEREL

Voir aussi dans ce blog des articles sur la même thématique :
    Visions du monde
    Notre vision du monde n'est pas le monde    
    Observation et jugement
    Le langage influence-t-il notre pensée?
    Qu'est-ce-que la vérité?