Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 27 mai 2013

Gérer les différences de rythme

Nous avons vu dans le message précédent combien nos rythmes peuvent être différents. Comment gérer ces différences de rythmes ?

- D’abord en apprenant à bien se connaître soi-même : suis-je généralement quelqu’un de rapide ou de lent ? Est-ce que j’ai l’habitude de passer facilement et sans transition d’un sujet à un autre, ou bien me faut-il un temps d’ajustement pour passer à autre chose ? Ai-je plutôt un fonctionnement linéaire, préférant faire une tâche après l’autre, ou bien multitâche, menant habituellement plusieurs activités à la fois ? Bien sûr, il peut arriver que les exigences de la vie m’aient amené à adopter un comportement qui, au fond, n’est pas le mien. Par exemple, au travail, j’ai adopté un comportement multitâche parce que c’était la seule façon de faire face, mais cela me demande beaucoup d’énergie car ce n’était pas mon fonctionnement naturel et spontané. Du coup, j’ai tendance à être irritable et brusque, et cela retentit sur ma vie privée.

- Deuxièmement, apprendre à décoder le rythme des personnes avec qui je suis en relation, que ce soit au travail ou dans la sphère privée. En utilisant le même questionnement, je comprendrai mieux comment elles fonctionnent.

- Cette double connaissance de soi-même et des autres permettra de mieux ajuster les relations, de les optimiser. Par exemple, tel collaborateur a du mal à gérer le temps d’exécution d’une tâche : il laisse traîner les choses au début puis termine dans la précipitation, avec des risques d’erreurs. Une façon de l’accompagner peut être de fixer des objectifs intermédiaires, et de faire un point à chacune de ces étapes de façon à pouvoir régulariser l’effort. Tel autre est très rapide pour résoudre les problèmes, mais a tendance à passer à autre chose dès qu’il a trouvé la solution, avant même sa mise en œuvre : son talent sera peut-être mieux valorisé au sein d’une équipe comportant aussi des personnes moins créatives mais plus gestionnaires.

Une croyance très répandue est celle qui consiste à se dire : « Puisque moi je réussis en fonctionnant de telle manière, les autres doivent fonctionner comme moi. » Et l’on voit ainsi un certain nombre de dirigeants s’entourer de personnes qui leur ressemblent. Mais ce faisant, ils privent leur entreprise d’une richesse fort utile, car il n’y a rarement qu’une seule solution à un problème donné, et la diversité d’un groupe est souvent un gage de créativité, notamment en période de crise. Évidemment, cette diversité demande à être gérée pour ne pas risquer l’éparpillement ou l’explosion.

Dans la sphère privée, les mêmes questions se posent, et c’est au fil du temps que chacun apprend à respecter le rythme des autres : plutôt que d’exiger que l’autre se comporte comme moi, ne pouvons-nous pas convenir d’espaces de liberté ? Nous pouvons convenir d’une répartition entre activités communes, où chacun accepte de se plier aux règles de fonctionnement et au rythme du groupe – que ce soit un groupe d’amis, la famille, le couple – et des activités individuelles où chacun fonctionne selon son rythme propre.


Renaud Cherel


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    Périodes de transition

lundi 20 mai 2013

Périodes de transition


Certaines personnes ont besoin d’une période de transition entre deux activités différentes, alors que d’autres semblent passer très rapidement et sans effort apparent d’une activité à l’autre.

Le matin, Zoé a beaucoup de peine à émerger du sommeil ; souvent, au moment d’ouvrir les yeux, elle semble comme suspendue entre l’assoupissement et l’éveil ; au lever, elle se sent comme anesthésiée, ses gestes sont maladroits, elle baille à se décrocher les mâchoires et il n’est pas question à ce moment-là d’entamer avec elle une conversation sérieuse. Pendant un temps assez long, elle dit qu’elle « fonctionne au radar » avant de se sentir parfaitement opérationnelle.
Zoé a du mal à se réveiller...

Pour Thibaut, au contraire, il se sent parfaitement réveillé dès l’instant où il ouvre les yeux ; il se lève aussitôt, l’esprit clair, et peut vaquer à ses occupations sans que cela ne lui demande d’effort particulier. Intellectuellement, c’est d’ailleurs le moment où il se sent le mieux, où ses raisonnements semblent le plus fluides ; c’est la raison pour laquelle il préfère se lever tôt et travailler le matin.

Le soir, la phase de transition entre éveil et sommeil est elle aussi vécue de façon différente. Zoé s’agite au moment de s’endormir : une fois la lumière éteinte, elle se tourne dans son lit, n’arrive pas à trouver la bonne place sur son oreiller, se rassoit pour chercher un mouchoir qu’elle ne trouve pas, finit par rallumer la lumière et éventuellement elle se lève pour aller dans la cuisine se verser un verre d’eau… bref, elle a besoin d’une phase de transition, qu’elle remplit en pratiquant un certain nombre de rites, pour trouver l’endormissement, et celui-ci vient souvent lentement et difficilement.

Thibaut, à l’inverse, n’aime pas veiller trop tard le soir et a l’habitude d’aller se coucher dès qu’il sent le sommeil venir. Alors, il se déshabille rapidement, s’enfonce entre les draps et s’endort quasi instantanément.
Thibaut s'endort très facilement.
Cette différence dans les rythmes de transition ne se limite pas aux frontières du sommeil ; elle joue aussi pour les changements d’activité dans la journée. Pour Zoé, elle ne change d’activité qu’après avoir rangé les affaires correspondant à l’activité précédente et les départs d’un lieu vers un autre lui sont toujours un peu difficiles. Si elle décide d’aller faire des courses en ville, elle va faire des va-et-vient entre l’entrée et d’autres pièces de la maison, hésitant sur le choix des vêtements à mettre et sur la meilleure paire de chaussures à enfiler. Fréquemment, elle s’avise au moment de partir de ranger la vaisselle ou de mettre du linge à sécher, tout en se reprochant intérieurement de le faire.

De son côté, quand il décide de sortir, Thibaut enfile la première veste qui lui tombe sous la main, choisit une paire de chaussures adaptée à son activité et se retrouve dehors en moins d’une minute.

Si des personnes comme Zoé et Thibaut vivent ou travaillent ensemble, de telles différences de rythmes peuvent évidemment provoquer des frictions ; mais heureusement il existe des stratégies permettant de surmonter ces obstacles, que nous examinerons dans le prochain message.

Renaud Cherel


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    Histoire de changer
    Gérer les différences de rythme

lundi 13 mai 2013

Écorce des arbres, écorce des hommes


J’aime bien me promener dans les bois, me retrouver au contact de la nature. C’est souvent là, d’ailleurs, que naissent mes idées de sujets pour écrire, entre autres… En me promenant ainsi dans les bois, il m’arrive parfois de toucher l’écorce d’un arbre, voire d’en caresser le tronc pour ressentir ce contact brut, cette énergie primaire qui parcourt ce grand être vivant. Chaque espèce d’arbre est revêtue d’une écorce différente, qui permet de la distinguer facilement : par exemple, l’écorce du hêtre est de couleur grise, d’un aspect assez lisse mais un peu rugueuse au toucher, et non fendue ; elle me fait penser à une peau d’éléphant. Celle du chêne rouvre, au contraire, de couleur gris-brun, se trouve très fissurée de profonds sillons verticaux.

écorce de chêne                            écorce de hêtre
(photo R. Cherel)
Délicate et élégante, l’écorce fine et lisse du bouleau, qui se desquame en lames fines comme des feuilles de papier. Mais quand l’arbre vieillit, l’écorce perd de sa régularité : par endroits elle se fissure en lèvres noires, comme de minuscules éruptions volcaniques vomissant une lave de bois.

Collante, l’écorce du sapin : provenant de quelque blessure, une résine odorante coule par endroit sur le tronc et s’attache à la main que j’y ai posée. Son odeur me rappelle des souvenirs de cabanes et de jeux d’enfance… Intéressante, l'écorce du pin noir avec ses grosses plaques dans lesquelles, enfant, je taillais de petits bateaux. Surprenante, l’écorce du séquoia, extrêmement épaisse mais si souple et élastique que l’on peut y enfoncer le poing et le retirer sans laisser de trace.

écorce de bouleau                       écorce de pin noir
(photo R. Cherel)
Enfant, je passais des heures à observer l’écorce des platanes, qui stimulait mon imagination. La vieille écorce grisâtre se fendille sous la pression du tronc qui se dilate : elle se desquame par plaques de formes irrégulières, laissant apparaître une jeune écorce d’un vert très pâle, presque blanche. Avec le temps, cette jeune écorce arbore des tons plus foncés : il en résulte sur le tronc une mosaïque de formes et de différentes nuances de vert du plus bel effet.

écorce de séquoia                         écorce de platane
(photo R. Cherel)
L’écorce de l’arbre, par son rôle dans l’aspect extérieur de son hôte, par sa fonction de protection, me fait penser à nos mécanismes de défense psychologiques. En effet, beaucoup de psychologues s’accordent à dire que nous nous sommes constitué dans l’enfance des mécanismes de défense qui nous permettent de nous protéger des agressions de notre environnement. Ainsi, chacun s’est construit préférentiellement des systèmes de protection qui lui permettent de se défendre subjectivement. Et, comme l’écorce de l’arbre, le choix de nos mécanismes de défense contribue à l’élaboration de notre apparence aux yeux des autres. Certaines de nos protections peuvent paraître rugueuses, d’autres plus lisses. Certaines se desquament quand on les touche, d’autres sont dures et résistantes, d’autres enfin s’enfoncent quand on appuie dessus.

Certaines personnes possèdent un caractère que l’on qualifie volontiers de rugueux : peu commodes, elles se mettent facilement en colère ou bien au contraire se renfrognent et ne communiquent pas facilement. D’autres présentent un caractère lisse, sans aspérités : ce sont des personnes gentilles, mais dont on ne sait pas toujours ce qu’elles pensent vraiment.

Mais faut-il absolument enlever l’écorce ? Si j’ôte l’écorce de l’arbre, je le blesse…




Renaud Cherel



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    Arbres d'hiver

lundi 6 mai 2013

La tendresse


"Et la tendresse ? ...bordel !" Evelyne Dress et Bernard Giraudeau 
Longtemps ignorée des psychologues et des chercheurs en sciences humaines, la tendresse, célébrée de tout temps par les artistes, a été remise à l’honneur depuis une quinzaine d’années. Dans les générations qui nous ont précédées, il est vrai, la tendresse ne se manifestait pas, peut-être par crainte de tomber dans la sensiblerie ou la mièvrerie.

Qu’est-ce que la tendresse ? C’est une expression d’attachement entre deux êtres qui exprime de l’affection, mais sous une forme différente de l’amour ou de la passion. Elle s’exprime davantage par le non-verbal que par les mots. Une sorte de connivence s’établit par l’intermédiaire des gestes, du toucher, du regard, de la voix. Toutes les manifestations de tendresse sont empreintes de douceur, de patience et de délicatesse et s’inscrivent dans le respect de l’autre et l’attention portée à ses besoins. C’est une qualité de l’attention qui s’offre, se propose, sans jamais contraindre, qui peut donc se mettre en réserve, en attente, sans se refermer, sans se bloquer. La tendresse peut s’exprimer dans les relations familiales, entre parents et enfants ou entre frères et sœurs, mais aussi entre amis et dans la relation amoureuse ; mais dans ce dernier cas, elle n'implique pas nécessairement de désir sensuel. Elle peut se manifester par des démonstrations telles que le câlin, les caresses ou le baiser.

Les premières études scientifiques sur la tendresse l’ont été dans le cadre de la relation mère-enfant. Dès les années 50, John Bowlby, pédiatre et psychanalyste anglais, montrait que les simples gestes de nourrir son nouveau-né, le changer ou le soigner n'étaient pas suffisants pour assurer un développement harmonieux, s’ils n’étaient accompagnées d’une certaine charge affective. Il a aussi affirmé (s’opposant aux théories de Freud) que le besoin de tendresse du tout jeune enfant primait sur ses besoins vitaux.

Par ailleurs, les éthologues ont montré que chez les mammifères d’une manière générale, la mère fait preuve de la plus grande tendresse vis-à-vis de sa progéniture, et la défend au péril de sa propre vie contre les dangers ; sauf exception, le mâle, de son côté, ne s’en préoccupe pas. A mesure que ses petits grandissent, la tendresse de la mère diminue, jusqu’à disparaître lorsqu’ils deviennent adultes.

Pour nous, êtres humains, la tendresse est un besoin de tous les âges de la vie. On a observé notamment les effets positifs des gestes de tendresse à l’autre extrémité de l’existence, l’accompagnement des personnes en fin de vie. On peut affirmer aujourd'hui que la tendresse est un élément indispensable à notre équilibre : sans tendresse, l’enfant ne peut se construire, l’adolescent ne peut acquérir son autonomie, l’adulte aura bien du mal à vivre en couple et le vieillard à aborder les portes de la mort. Sans tendresse, on peut même dire que les liens sociaux auraient du mal à se maintenir.

Selon Alain Delourme, la tendresse jouerait trois fonctions essentielles : l’unification des dimensions physique, psychique et affective ; la sécurisation du sujet, notamment vis-à-vis de sa peur d’abandon et d’isolement ; la confirmation (réciproque) de son sentiment d’exister.

Et vous, avez-vous besoin de tendresse ? Savez-vous l’exprimer à ceux que vous aimez ?


Renaud Cherel


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