Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 30 janvier 2012

Autonomie et indépendance


Copie de la statue de la liberté à Paris (Photo R Cherel)
Albane, qui est étudiante, imagine son avenir : « J’ai presque terminé mes études ; quand j’aurai un boulot, je serai indépendante et je n’aurai plus de comptes à rendre à mes parents ! J’attends avec impatience ce moment de liberté. »

Noé parle de son activité professionnelle : « Ce qui me plaît dans mon travail, c’est que j’ai beaucoup d’autonomie ; je prends les décisions que je juge  utiles et j’assume les responsabilités qui vont avec. Je dispose d’une grande liberté d’action.»

Ferdinand est plus amer : « Je me rends compte que, dans mon existence, au fond, je n’ai guère eu le choix : j’ai toujours agi en suivant la volonté ou les directives des autres : mes parents, mes professeurs, mon patron, ma femme… Où est mon autonomie dans tout ça ? »

Dans le langage courant, autonomie et indépendance sont deux mots proches, pris parfois comme des synonymes qui évoquent la notion de liberté. Pourtant, il existe entre ces mots une différence qui me semble intéressante. Autonomie vient du grec auto, soi-même et nomos, loi : ce qui est autonome se régit par ses propres lois, ce qui se détermine selon des règles librement consenties. L’indépendance, du latin pendere, pendre, est l’état d’une personne ou d’une entité qui ne dépend pas de quelqu’un ou de quelque chose. Nous percevons ici que la définition même du mot autonomie est exprimée par une phrase positive, celle du mot indépendance l’est par une phrase négative.

L’analyse transactionnelle propose la distinction suivante entre indépendance et autonomie : l’indépendance – état d’une personne qui ne dépend pas de quelqu’un ou de quelque chose – serait plutôt en lien avec la position « moi OK, toi pas OK » ; alors que l’autonomie – capacité pour l’individu de déterminer librement les règles auxquelles il se soumet – serait plus en lien avec la position « moi OK, toi OK ». Qui dit autonomie dit capacité de faire des choix.

Ceci étant posé, il va de soi que, dans notre société, indépendance et autonomie sont très relatives ; nous ne vivons pas chacun sur une île déserte et la satisfaction de la plupart de nos besoins passe par l’intermédiaire d’autres personnes : nous sommes tous plus ou moins interdépendants. Quant à notre autonomie, notre capacité de faire librement des choix, elle est limitée par toutes sortes de contraintes économiques, sociales, culturelles.

Cependant, il me semble important de souligner ceci : tant que je cherche à être indépendant, ou que je m’affirme comme tel, je cherche probablement à m’opposer à quelque chose ou à quelqu’un qui m’empêche d’être libre, à me libérer de son influence. Cela est aussi vrai  pour un groupe ou une nation que pour un individu : on parle par exemple de guerre d’indépendance. Mais en me posant comme autonome, j’affirme tranquillement mon être, avec sa capacité de choisir, sans forcément me situer en opposition à qui ou quoi que ce soit.

D’où la question : bien souvent, ne me faut-il pas passer par l’étape de l’indépendance pour acquérir mon autonomie ?

Renaud CHEREL


Voir aussi dans ce blog :
    Quitter père et mère
    L'éducation des enfants
    Liberté de l'enfant
    La notion d'enfermement

Liens externes :
    Le blog de Sylvain Reboul
    http://www.agis.fr/?p=208
    Indépendance et autonomie, quelles différences ? (blog Montessori)

lundi 23 janvier 2012

Catégoriser a ses limites


Nous avons vu dans le message précédent (voir Classements et catégories) que la catégorisation est un instrument extrêmement puissant ; et pourtant, depuis quelques décennies, cette façon de faire est fortement remise en cause, notamment dans certains domaines scientifiques. Pour illustrer mon propos, je vais prendre deux exemples.

Dans la vie courante, les frontières entre les catégories d’objets s’avèrent, à la réflexion, souvent floues. Par exemple, je sais bien ce qu’est un livre : un objet avec un nombre assez grand de pages imprimées et reliées entre elles, le tout protégé par une couverture. Si la forme est la même mais avec un faible nombre de pages, on parlera plus volontiers de brochure ou de plaquette. Si le livre est écrit à la main, on parlera plutôt de manuscrit. Quelle différence avec un cahier ? Au départ, celui-ci était un ensemble de pages coupées à partir d’une feuille et pliées les unes dans les autres, un livre étant formé de plusieurs cahiers. Aujourd'hui, le cahier est pourvu de feuilles blanches ou quadrillées réservant un espace dans lequel on peut écrire ; suivant la taille et l’apparence, on va le décliner en album, bloc-notes, calepin, registre… sans oublier le livre blanc : et nous voici revenus au livre !

Autre exemple : lorsque je faisais mes études de sciences naturelles, il existait une classification des êtres vivants extrêmement solide et bien établie, qui permettait d’attribuer à un individu le nom d’une espèce, espèce regroupée avec d’autres, aux caractéristiques proches, à l’intérieur d’un genre. Toujours sur la base des caractéristiques visibles (le phénotype), les genres voisins étaient regroupés au sein de familles, rassemblées en sous-classes, puis en classes et embranchements, etc. : une construction logique dont l’architecture semblait définitivement établie par tous les spécialistes du monde, même si des détails étaient discutés dans les niveaux les plus fins. Cette classification classique ou systématique reposait sur un nombre limité de principes et sur un axiome allant tellement de soi qu’il était rarement discuté : plus la ressemblance entre deux individus est forte, plus ils sont proches dans la classification.
Les crocodiles parents des oiseaux (dessin R. Cherel)

Avec les progrès accomplis en génétique, on s’est rapidement aperçu que les liens entre les espèces étaient plus complexes que cela : certains individus aux caractéristiques apparemment très semblables étaient éloignés génétiquement, alors que d’autres, que l’on avait placés dans des groupes très séparés, étaient en réalité bien plus proches que prévu. Par exemple, le concept de « reptiles » a été abandonné car regroupant des espèces non proches parentes ; les plus proches parents vivants des crocodiles sont… les oiseaux ! Aujourd'hui, la classification classique des êtres vivants a été abandonnée au profit de l’approche phylogénétique. La catégorisation, qui nous a permis de faire d’énormes progrès dans la connaissance des êtres vivants pendant des siècles, avait atteint ses limites.

Ne perdons donc pas de vue que les catégories ne sont pas la réalité : ce sont des abstractions, des outils  que nous avons créés pour simplifier la complexité du réel. Les limites de la catégorisation sont aussi valables pour chacun de nous : ai-je tendance à catégoriser facilement les gens et les choses ? Dans quelle mesure suis-je capable de remettre en cause mes catégories ?

Renaud CHEREL


Voir aussi dans ce blog :
    Compliqué ou complexe
    Généralisation
    Vivre ensemble

Lien externe : 
    Catégorisation, stéréotypes et préjugés

Bibliographie : 

Salès-Wuillemin Édith : La catégorisation et les stéréotypes en psychologie sociale, éd. Dunod, coll. Psycho-sup, Paris 2006

lundi 16 janvier 2012

Classements et catégories


Nous autres humains, nous avons l’habitude de classer, de ranger, de placer les choses ou les idées dans des cases, dans des boîtes ou des catégories. C’est d’ailleurs une façon très efficace d’augmenter nos connaissances. Le fait même de nommer une chose ou un concept est déjà une façon de classer cette chose dans une catégorie. Cette capacité humaine innée, qui a été longtemps très difficile à reproduire par un ordinateur, s’exerce chez l’enfant dès le plus jeune âge. Ainsi, par exemple, un très jeune enfant classera les animaux à quatre pattes qu’il voit dans la catégorie « toutou » et les véhicules à quatre roues dans la catégorie « auto » ; et même s’il rencontre un animal inconnu qui a peu de ressemblance avec un chien, il le classera plus facilement parmi les « toutous » que parmi les « autos ».
Le classement, une activité spontanée (Dessin R. Cherel)
Au fur et à mesure qu’il grandit, l’enfant affinera de plus en plus ses catégories ; par exemple il va être rapidement capable de regrouper séparément les animaux qui ressemblent à des oiseaux. Cela peut nous paraître évident, et pourtant ce n’est pas si simple. Car en effet, alors même que nous avons intuitivement la notion de ce qu’est un oiseau, il nous faut faire un effort pour définir exactement cette notion, d’en trouver une définition nécessaire et suffisante : est-ce un animal qui vole ? Mais les autruches ne volent pas et sont des oiseaux, tandis que les chauve-souris volent mais ne sont pas des oiseaux. Alors, un oiseau est-il un animal qui pond des œufs ? C’est vrai que tous les oiseaux – à ma connaissance – pondent des œufs, mais inversement les tortues ou les serpents pondent des œufs et ne sont pas des oiseaux. Et ainsi de suite : l’on voit que la définition nécessaire et suffisante d’un oiseau est assez difficile à trouver. En fait, il existe bien un caractère constituant l’apanage des seuls oiseaux, c’est le port de plumes : tous les oiseaux portent des plumes et – à notre époque – aucun autre animal au monde n’en porte. Ceci étant dit, il semblerait que certains dinosaures aient porté des plumes sans être apparentés aux oiseaux, mais ils ont disparu depuis plus de cent millions d’années.

Mais un enfant n’a pas besoin de tout cela : il suffit de lui montrer un oiseau, et il va créer de lui-même une catégorie mentale « oiseau » qu’il va affiner au fur et à mesure que ses connaissances se développent. Et peu à peu il va se construire mentalement un réseau sémantique hiérarchisé : ainsi, la poule appartient à la catégorie des oiseaux et cette dernière est incluse dans la catégorie plus large des animaux.

Grâce à cet outil extraordinaire, les hommes ont pu catégoriser tout ce qui s’offre à la connaissance. Malheureusement, cette merveilleuse capacité à catégoriser, si elle est très efficace, nous joue aussi beaucoup de tours : car nous courons constamment le risque de cataloguer quelqu’un ou quelque chose sur la base d’indices trop fragmentaires.

Nous examinerons cela dans le message suivant : Catégoriser a ses limites.

Renaud CHEREL


Voir aussi dans ce blog :
    Donner un nom
    Généralisation

lundi 9 janvier 2012

Souhaiter ou présenter ses voeux


Nous avons coutume d’adresser nos meilleurs vœux à nos proches, nos connaissances, pour l’année qui vient. Souhaiter, c’est désirer la possession, la présence de quelque chose, la réalisation d’un événement. Et pour ce qui est du vœu, c’était à l’origine une promesse ou une demande librement faite à une divinité, à Dieu. Ce sens particulier s’est étendu, élargi pour désigner plus généralement le souhait que s’accomplisse quelque chose, pour soi-même ou pour quelqu’un d’autre.

Les vœux à l’occasion du Nouvel An sont devenus une habitude sociale et nos formules sont plus ou moins automatiques. Il nous arrive peut-être de formuler des vœux à telle personne envers qui nous sommes complètement indifférents, ou même à telle autre que nous voudrions voir disparaître… cela fait partie des conventions, des gestes que l’on accomplit sans même vraiment y penser.

Peut-on leur donner un peu plus de contenu, un peu plus de sens ? En avançant dans la vie, je me suis rendu compte qu’il m’arrivait souvent de croire que l’autre avait les même désirs, les mêmes envies que moi, au fond. Et que j’avais tendance à souhaiter à mes proches ou aux gens que j’estime ce que je souhaiterais pour moi-même. Il me semble que ce mode d’attitude est assez répandu, qui consiste à agir à partir de la croyance que l’autre fonctionne comme moi, et que ce qui est bon pour moi est, en toute logique, bon pour l’autre. L’empathie, cette faculté de s’identifier à l’autre, de ressentir ce qu’il ressent, est une grande qualité, tout à fait indispensable pour vivre en société. L’empathie est une huile qui lubrifie les rouages sociaux ; sans elle, nous ne pourrions pas interagir avec les autres. Mais l’excès, dans ce domaine comme dans d’autres, présente ses propres inconvénients. Et la vie se charge de nous démontrer, plus ou moins aimablement, que les autres sont différents de nous-mêmes. Et qu’en fin de compte, ce que nous jugeons être bien pour nous ne l’est pas forcément pour autrui.

Face à cela, chacun agit à sa manière : Armande cherche à faire ce qu’elle croit sincèrement être le bien de l’autre malgré lui et parfois contre sa volonté. Gaston prend la posture de prêcheur en indiquant ce qu’il faut faire et ne faut pas faire – j’espère ne pas être moi-même dans cette posture en écrivant ces mots – tandis que Jean-Claude se sent impuissant, il se décourage et se referme sur lui-même en se disant : « à quoi bon ? ». Quant à René, il demeure dans l’indifférence alors que Camille rejette fermement toutes ces formes d’obligations sociales qui, dit-elle, entravent sa liberté et ne sont que des formes d’hypocrisie.

Alors, que souhaiter en vérité pour vous qui lisez ces lignes ? Je ne peux que renouveler ce que j’ai formulé la semaine dernière : d’avancer sur votre chemin de vie – et peut-être que ce chemin comporte des détours, voire des retours en arrière – pour accéder au meilleur de vous-mêmes, en sachant que les choses adviennent parfois par l’intermédiaire d’événements ou de personnes présentes au bon moment.


Renaud CHEREL




Pour aller plus loin :
Plusieurs personnes m’ont demandé comment exprimer des vœux quand la personne à qui l’on s’adresse vit une situation difficile.

Rappelons que les vœux s’inscrivent parmi les outils de relation sociale et permettent à ce titre de mettre de l’huile dans les rouages de nos interactions avec autrui. Encore faut-il que nos formules ne soient pas trop stéréotypées, sans quoi elles perdent leur valeur et ne signifient plus rien. En fin de compte, les meilleurs vœux sont ceux qui sont exprimés avec sincérité. Les vœux formulés vont donc prendre en compte la situation dans laquelle se trouve la personne à qui vous les adressez, mais aussi au degré d’intimité et à la qualité des relations que vous entretenez avec elle.

Dans le cas d’une personne qui a subi récemment un événement douloureux (accident, difficulté familiale ou professionnelle, décès d’un proche), peut-être faut-il d’abord lui demander des nouvelles et la laisser parler. La personne se sentira écoutée, et de votre côté vous pourrez ajuster vos paroles de vœux en fonction de ce qu’elle vous a dit. Si vous êtes vraiment à l'écoute, votre cœur saura la bonne attitude à prendre. Dans certains cas, votre seule présence attentive sera suffisante, les mots sont de trop si la personne n'est pas prête à les entendre ; dans d'autres, des paroles de réconfort et d'encouragement seront les bienvenues. Mais ne cédez pas à l'impulsion de plaindre la personne, cela ne l'aidera guère.

Si vous envoyez des vœux par écrit, et toujours dans le cas d'une personne en difficulté, restez dans la sobriété et choisissez avec soin l’illustration accompagnant votre texte de façon à créer une cohérence entre les deux.

Remarque :
Le mot "vœu" est synonyme de souhait ; c'est pourquoi on peut souhaiter une bonne année, un prompt rétablissement ou tout autre chose, mais ne dira pas "souhaiter des vœux". On préférera des formules telles que "faire/ présenter/ formuler/ exprimer des vœux".

Voir aussi dans ce blog : 
    Bilan et souhaits
    Meilleurs vœux 2013
    Meilleurs vœux 2015 !
    Fêtes du nouvel an

Liens externes : 
Des sites vous proposent de choisir parmi des textes de voeux rédigés à l'avance, par exemple :
     http://www.lettres-utiles.com/lettres/voeux-pour-la-nouvelle-annee-63.html

mardi 3 janvier 2012

Meilleurs voeux 2012 !


Cyprès chauve au fil des quatre saisons

Qu’au fil des saisons de l’année deux mille douze   

vous puissiez avancer sur votre chemin de vie          

pour accéder au meilleur de vous-mêmes !

Renaud CHEREL


Vous pouvez voir aussi dans ce blog des messages sur la même thématique :