Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 25 janvier 2016

Égocentrisme et égoïsme

Gavin arrive régulièrement en retard à ses rendez-vous, et quand il rentre de soirée à deux heures du matin, il allume la télé sans baisser le son, alors que toute la maisonnée est endormie. À table, il se sert en premier en choisissant le morceau qui lui paraît le meilleur et s’en va dès la fin du repas en laissant aux autres le soin de débarrasser : ce faisant, Gavin fait preuve de comportements égoïstes.


L’égoïsme est un trait de caractère qui consiste à ne penser qu’à soi sans tenir compte de l’intérêt de l’autre : on subordonne l’intérêt d’autrui au sien propre. L’égoïste refuse tout effort qui n’aurait pour objet que d’être utile ou agréable à l’autre. Son propre intérêt, son propre plaisir ou son propre confort passent avant. A y bien réfléchir, on reproche à l’égoïste de nous empêcher de l’être !

En réalité, tout le monde possède une part d’égoïsme, liée à l’instinct de conservation. Qui n’a pas eu tendance, dans certaines circonstances, à vouloir tirer la couverture à soi ? Comme dans bien des domaines, tout est affaire de dosage ; en dehors de l’aspect moral, l’égoïsme pose problème socialement, car il génère rapidement l’abus de pouvoir et l’injustice au détriment des plus faibles.

Marielle a tendance à ramener la conversation vers elle-même au lieu d'écouter et d'apprécier ce que les autres ont à dire. Quand les autres s’expriment, elle ne s’intéresse que peu à ce qu’ils racontent, attendant une pause dans la conversation pour revenir au sujet qui la concerne. Marielle cherche à avoir raison : pour elle, l’échange est une sorte de compétition qu’elle doit gagner, d’où le besoin de raconter des histoires plus dramatiques ou plus intéressantes que celles de l'autre. Marielle est plutôt égocentrique.

Bref, si l’égoïste ne veut pas vous comprendre, l’égocentrique, lui, ne le peut pas. L’égocentrisme est la tendance à être centré sur soi-même et à ne considérer le monde extérieur qu’en fonction de l’intérêt qu’on lui porte.
L'égocentrique pense être le centre du monde...
Nous passons tous, lors de notre développement, par une phase d’égocentrisme : le jeune enfant pense être le centre du monde – il est égocentrique – et c’est en grandissant qu’il prend conscience de l’existence d’un monde extérieur dont il n’est pas le centre. Ce mouvement de décentration se met en place vers la fin de l’adolescence ; il est vital, car nous sommes des êtres sociaux.

Contrairement à l’égoïste, l'égocentrique a besoin des autres, sans pour autant les aimer : il ne s'aime pas tel qu'il est, mais tel qu'il paraît aux yeux des autres, et peut se prendre pour le sauveur, le tyran ou le martyr de ceux qui l'entourent. L’égocentrique tend à être pénible pour ceux qui l’entourent, il finit par éloigner son entourage et se retrouver isolé, à moins de disposer de qualités exceptionnelles ou d’un statut social élevé – ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Il est proche du narcissique, qui porte une attention exclusive à soi-même, avec en plus admiration de soi.

Semaine prochaine, nous verrons comment déceler ses propres comportements égocentriques et les corriger.


Renaud CHEREL


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    Être et paraître
    Image de soi, image des autres
    Estime de soi et confiance en soi
    Pour sortir de l'égocentrisme


lundi 18 janvier 2016

Transgression

La récente avalanche qui a coûté la vie à trois personnes aux Deux-Alpes me pose la question de la transgression et de ses conséquences. En effet, les victimes de l’accident se trouvaient sur une piste fermée par un filet portant un panneau d’interdiction.

Transgresser, c’est ne pas respecter une obligation, une loi, un ordre, des règles, bref, un interdit. Le terme vient du verbe latin transgredior qui signifie passer de l’autre côté, traverser, dépasser une limite. Or, on constate que la simple existence d’une interdiction suscite chez certains individus le désir de la transgresser. Plusieurs raisons peuvent être invoquées :     
- l’objet interdit se trouve privilégié parmi les innombrables objets auxquels la liberté est confrontée, il émerge donc comme une cible de choix ;     
- celui qui transgresse l’interdiction peut vouloir défier l’autorité et rivaliser avec elle, dans un mouvement qui consiste à se poser en s’opposant.

Mais ce verbe transgredior peut signifier aussi parcourir d’un bout à l’autre, exposer complètement ; on note, en effet, que la transgression peut avoir un côté ostentatoire : on transgresse parfois pour se faire remarquer, pour être reconnu, identifié comme un élément réfractaire, voire rebelle ou dissident.
Georges Bataille, étonnant romancier interdisciplinaire, écrivait : « La transgression n'abolit pas l'interdit mais le dépasse en le maintenant. » La transgression nécessite l’interdit pour exister : sans interdit, pas de transgression. C’est pourquoi le même auteur note que « jamais pour l’animal rien n’est interdit ». À la différences des animaux, l’homme institue des interdits, qui sont des constituants de la culture.

La transgression n’est pas forcément négative, elle fait partie du processus d’individuation. Le jeune enfant, et surtout l’adolescent, se construisent en partie par la transgression des lois établies par leurs parents et leurs substituts. Plus généralement, au niveau collectif, beaucoup de grandes découvertes ont été faites à la suite de la transgression d’une règle ou d’un interdit.

Par le passé, la transgression était organisée par la société, qui mettait en scène ce « passage outre » à travers des fêtes ou des cérémonies qui foulaient les interdits pour mieux souligner leur importance, et finalement les renforcer. Saturnales romaines, tirage des rois, mardi gras et carnaval médiévaux, et bien d’autres fêtes permettaient ce renversement où les puissants étaient moqués ou rabaissés et le dérèglement des sens toléré.

La mythologie met en scène beaucoup de transgressions.
Ici, Saturne dévorant son fils, peinture de Goya.
Aujourd'hui, il semble que tout soit permis dans nos sociétés occidentales, et l’on peut dès lors se demander si la notion de transgression existe encore. Alors que l’éducation a été longtemps basée sur des interdits, aujourd'hui elle se présente comme beaucoup plus permissive. Par ailleurs, nous sommes encouragés de multiples façons à transgresser les vieux interdits moraux, à travers les médias ou la publicité. Mais à y regarder de plus près, les interdits sont toujours là, ils ont simplement changé de domaine. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner les forêts de réglementations encadrant l’exercice de la quasi-totalité des professions, mais aussi de nos activités, que ce soit dans les transports, les loisirs ou autres.

Et vous, avez-vous tendance à facilement transgresser les règles ? Pourquoi ?


Renaud CHEREL


Vous pouvez lire aussi dans ce blog des articles sur la même thématique :
    Fixer des limites
    Les valeurs morales
    Incivilité
    Obéissance-désobéissance


lundi 11 janvier 2016

Stratégies pour moins oublier

L’oubli est un processus naturel. Mais pour moins oublier, voici quelques stratégies :

Comme le reste, la mémoire peut être renforcée
et les oublis amoindris.
Exercer sa mémoire
Je connais un vieux monsieur qui possède une excellente mémoire : il a l’habitude d’utiliser toutes les occasions de l’exercer. Par exemple, s’il passe dans une ville inconnue – ou même des quartiers de sa ville qu’il fréquente peu – il s’efforce de retenir les noms des rues. Il dresse mentalement les listes de tâches à accomplir ou de courses à faire plutôt que de les noter dans un agenda ou sur une feuille de papier. Il répète à hte voix les noms et prénoms des gens qu’il rencontre, et éventuellement leur redemande s’il a mal entendu pour les mémoriser sans faute.

Renforcer ses réseaux sémantiques.
Les spécialistes affirment que la mémoire sémantique – c’est-à-dire la mémoire des choses apprises, par opposition à la mémoire des faits vécus ou mémoire épisodique – s’organise en réseaux dits sémantiques. Autrement dit, nous relions automatiquement les faits nouveaux à des ensembles déjà connus et organisés mentalement. Par conséquent, un fait quelconque est d'autant plus vite oublié qu'il s'intègre moins à nos connaissances déjà acquises et à nos activités. Par exemple, si je suis spécialiste des oiseaux, je vais facilement repérer un chant inconnu, le mémoriser et le comparer mentalement à ceux que je connais déjà, alors que la plupart des gens l’auront oublié après quelques minutes.

Acquérir ou renforcer sa motivation
Nous oublions plus vite tout ce qui n'est pas soutenu par une motivation personnelle, laquelle dépend en partie de notre personnalité. Par exemple, pour telle personne pragmatique, une idée qui ne débouche pas sur l'action est oubliée rapidement ; pour telle autre qui aime la routine, les événements non liés à son univers familier sont négligés ; au contraire, ce sont les événements nouveaux ou perçus comme étranges qui éveillent l’intérêt d’une troisième et par conséquent leur mémorisation. La motivation peut aussi être indirecte. Par exemple, l’apprentissage d’une langue étrangère sera d’autant plus facile que je serai motivé par la découverte de ce pays ou de ses habitants, ou si je suis amoureux d’une personne qui parle cette langue.

Utiliser des astuces permettant de mieux gérer les petits oublis quotidiens.
En voici quelques-unes :
- Répéter cinq à six fois l’information à voix haute. Cela sollicite la mémoire auditive en même temps que l’on effectue l’acte de répéter, c’est assez efficace.
- Visualiser la tâche ou la liste d’actions à ne pas oublier. Utile professionnellement, mais aussi pour éviter les oublis anodins. Par exemple, si je pose mon parapluie en entrant chez quelqu’un, je me visualise en train de sortir après avoir repris le parapluie.
- Associer des éléments aux chiffres à retenir. Si l’on ne retient pas bien les chiffres, on peut améliorer leur mémorisation en les associant à des dates connues, ou, en les groupant par deux aux numéros de départements français – si on les connait bien – visualisés sur la carte : on retient alors une série de déplacements géographiques. D’autres personnes retiennent le geste effectué sur le clavier pour écrire la série de chiffres.

Et vous, quelle stratégie utilisez-vous ?


Renaud CHEREL


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    L'oubli
    Nos souvenirs sont liés à nos sens

lundi 4 janvier 2016

L'oubli

Qui n'a pas été victime d'un oubli ?
Quatre amis discutent en prenant le café.

-« Vous vous souvenez quand on a fait cette virée dans les Alpes aux vacances de Noël ? interroge Sibylle. C’était vraiment sympa !
- C’était il y a cinq ou six ans, non ? Je ne me souviens plus très bien, je vais skier dans les Alpes tous les ans, alors tout ça se mélange un peu dans ma tête… répond Vivien.         
- Mais si, souviens-toi, les magasins étaient fermés le soir, on avait ouvert des boîtes de cassoulet ! insiste Reine.       
- Je ne me souviens pas de ces détails, commente Paco, mais seulement de la galère pour mettre les chaîne sur la voiture. »

La plupart d’entre nous avons connu ce genre d’échange, où l’on constate que chacun ne retient pas les mêmes éléments d’un événement vécu en commun : certains détails sont mis en relief dans notre mémoire, alors que d’autres semblent complètement effacés. Mais, aussi étonnant que cela puisse paraître, l’oubli a une fonction primordiale chez les êtres vivants. L’oubli est la condition nécessaire pour gérer les priorités, pour faire le tri entre l’important et l’accessoire. C’est un mécanisme très efficace, car sans lui, on ne pourrait pas se concentrer sur une tâche sans que la précédente nous encombre l’esprit et nous empêche de mémoriser ce qui est nouveau. Par ailleurs, certains souvenirs pourraient être douloureux et lourds à porter si l’on s’en souvenait quotidiennement, et l’oubli permet de les écarter. À condition toutefois qu’ils ne soient pas trop traumatique, car dans ce cas c’est souvent l’inverse qui se produit : ils reviennent de façon récurrente sans que l’on puisse s’en débarrasser, comme si le mécanisme était faussé.

Pour les neurologues, notre cerveau n’est pas programmé pour tout retenir : l'oubli fait partie du bon fonctionnement de notre mémoire, qui opère naturellement et automatiquement une fonction de sélection. Nous ne retenons que les informations subjectivement importantes pour nous. « Nous oublions 90% de ce que nous apprenons en moins de trois jours » affirmait le psychologue allemand Hermann Ebbinghaus. L’ennui, c’est que notre volonté ne peut pas grand-chose sur le tri de nos souvenirs : ce sont essentiellement des mécanismes inconscients qui opèrent. Par contre, nous pouvons agir consciemment sur nos apprentissages qui, une fois consolidées, résisteront mieux à l’oubli.

Le processus d’oubli n’est pas encore bien élucidé par les spécialistes, mais on peut l’attribuer à plusieurs causes :
- Le déclin de la mémoire : celle-ci se dégrade et se fragmente au cours du temps comme tous les processus biologiques. Le fait d’exercer sa mémoire limiterait ce type d’oubli.
- Le trouble de la récupération : l'information est bien stockée quelque part, mais avec peu de relations avec d’autres souvenirs ou des indices de récupération inappropriés.
- Le refoulement : selon la psychanalyse, des mécanismes inconscients nous font oublier des faits déplaisants ou angoissants liés à des traumatismes passés.
- L’interférence : il y aurait oubli d'une donnée parce qu'une autre (plus ancienne ou plus récente) empêche sa récupération.

Dans le prochain message, nous verrons comment gérer l’oubli.


Renaud CHEREL


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    Nos souvenirs sont liés à nos sens
    Nous reconstruisons nos souvenirs
    Stratégies pour moins oublier