-« Vous vous souvenez quand on a fait cette virée dans
les Alpes aux vacances de Noël ? interroge Sibylle. C’était vraiment sympa !
- C’était il y a cinq ou six ans, non ? Je ne me souviens plus très
bien, je vais skier dans les Alpes tous les ans, alors tout ça se mélange un
peu dans ma tête… répond Vivien.
- Mais si, souviens-toi, les magasins étaient fermés le soir, on avait
ouvert des boîtes de cassoulet ! insiste Reine.
- Je ne me souviens pas de ces détails, commente Paco, mais seulement de
la galère pour mettre les chaîne sur la voiture. »
La plupart d’entre nous avons connu ce genre d’échange, où
l’on constate que chacun ne retient pas les mêmes éléments d’un événement vécu
en commun : certains détails sont mis en relief dans notre mémoire, alors
que d’autres semblent complètement effacés. Mais, aussi étonnant que cela
puisse paraître, l’oubli a une fonction primordiale chez les êtres vivants. L’oubli
est la condition nécessaire pour gérer les priorités, pour faire le tri entre l’important
et l’accessoire. C’est un mécanisme très efficace, car sans lui, on ne pourrait
pas se concentrer sur une tâche sans que la précédente nous encombre l’esprit
et nous empêche de mémoriser ce qui est nouveau. Par ailleurs, certains souvenirs
pourraient être douloureux et lourds à porter si l’on s’en souvenait quotidiennement,
et l’oubli permet de les écarter. À condition toutefois qu’ils ne soient pas
trop traumatique, car dans ce cas c’est souvent l’inverse qui se produit :
ils reviennent de façon récurrente sans que l’on puisse s’en débarrasser, comme
si le mécanisme était faussé.
Pour les neurologues, notre cerveau n’est pas programmé pour
tout retenir : l'oubli fait partie du bon fonctionnement de notre mémoire,
qui opère naturellement et automatiquement une fonction de sélection. Nous ne
retenons que les informations subjectivement importantes pour nous. « Nous
oublions 90% de ce que nous apprenons en moins de trois jours » affirmait le
psychologue allemand Hermann Ebbinghaus. L’ennui, c’est que notre volonté ne
peut pas grand-chose sur le tri de nos souvenirs : ce sont essentiellement
des mécanismes inconscients qui opèrent. Par contre, nous pouvons agir
consciemment sur nos apprentissages qui, une fois consolidées, résisteront mieux
à l’oubli.
Le processus d’oubli n’est pas encore bien élucidé par les
spécialistes, mais on peut l’attribuer à plusieurs causes :
- Le déclin de la mémoire : celle-ci se dégrade et
se fragmente au cours du temps comme tous les processus biologiques. Le fait d’exercer
sa mémoire limiterait ce type d’oubli.
- Le trouble de la récupération : l'information
est bien stockée quelque part, mais avec peu de relations avec d’autres
souvenirs ou des indices de récupération inappropriés.
- Le refoulement : selon la psychanalyse, des
mécanismes inconscients nous font oublier des faits déplaisants ou angoissants
liés à des traumatismes passés.
- L’interférence : il y aurait oubli d'une donnée
parce qu'une autre (plus ancienne ou plus récente) empêche sa récupération.
Dans le prochain message, nous verrons comment gérer l’oubli.
Vous pouvez lire aussi dans ce blog des articles sur la même thématique :
Nos souvenirs sont liés à nos sens
Nous reconstruisons nos souvenirs
Stratégies pour moins oublier
Renaud CHEREL
Vous pouvez lire aussi dans ce blog des articles sur la même thématique :
Nous reconstruisons nos souvenirs
Stratégies pour moins oublier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire