Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 26 janvier 2015

Pratiquer le renoncement


Comme je l’indiquais dans mon précédent article, la plupart d’entre nous dépensons beaucoup de temps et d’énergie à courir pour obtenir ce que nous recherchons. Certains d’entre nous sont animés par le besoin impérieux d’accumuler des biens, des vêtements, des œuvres d’art, des signes extérieurs de richesse. Certains se focalisent sur une catégorie d’objets et collectionnent les timbres, les livres ou les conquêtes amoureuses, féminines ou masculines. D’autres cherchent à acquérir davantage de pouvoir dans leur famille, leur entreprise, la communauté dont ils font partie.

Et même sans aller chercher si loin, nous constatons dans la vie quotidienne combien nous sommes souvent tentés de nous attacher aux choses, aux gens, aux lieux, aux souvenirs, aux traditions… en soi, cela n’est pas mauvais ; mais ces attachements nous empêchent parfois d’être vraiment nous-mêmes, une personne libre, adulte et responsable.

Je pense par exemple à des objets que nous avons conservés mais qui nous encombrent finalement, et dont nous n’arrivons pas à nous débarrasser : un bon nettoyage nous ferait certainement du bien. Ou bien des relations que nous avons conservées avec telle ou telle personne, tout en nous rendant compte que c’est par pure convention sociale. Cette personne ne nous apporte plus rien, et elle-même nourrit le même sentiment envers nous ; mais par habitude, nous continuons à nous fréquenter. Peut-être est-ce le moment de lui dire adieu, tout en la remerciant pour ce qu’elle nous a apporté à un moment de notre vie ?

Considérons de même les loyautés familiales, souvent inconscientes, que nous avons élaborées pendant notre enfance à partir de ce que nous disaient ou faisaient nos parents, des membres de la famille ou des proches. Parfois elles sont explicites : « On a toujours fait comme ça dans la famille, alors je continue… ». Parfois, ces loyautés ne se manifestent qu’indirectement, et nous les devinons par le biais du regard des autres, ou par des répétitions d’échecs ou de comportements inadaptés. Enfouies profondément en nous, elles peuvent nous encourager ou bien nous imposer des contraintes en nous rappelant des interdits qui nous ligotent. En travaillant sur soi, on peut en prendre conscience et décider de les conserver si elles sont bonnes pour nous et notre entourage, ou de les rejeter si elles sont inadaptées.

Les grands courants de sagesse se rejoignent sur la nécessité de la pratique du renoncement ; ce n’est qu’en me dépouillant du superflu que je pourrai atteindre l’essence de ce que je suis et rejoindre l’autre dans sa vérité. Dans ce domaine, la tradition occidentale, que ce soit par la bouche de Socrate, d’Epictète le stoïcien, ou celle de Jésus, formule le même message que Bouddha et Lao Tseu dans la tradition orientale.

Peut-être aussi est-ce pour beaucoup d’entre nous une question d’âge : pendant la première moitié de sa vie, on va de l’avant, on découvre le monde et on agit sur lui ; et pendant la seconde partie, on approfondit, on explore ses vérités intérieures. Et dans ce deuxième mouvement, on apprend à se dépouiller, à renoncer au superficiel et au superflu pour aller vers l’essentiel.


Renaud CHEREL


Vous pouvez lire aussi dans ce blog des articles sur la même thématique :
    Renoncements
    Élagage
    Frugalité

Liens externes :
    Le renoncement (Jean-Marc Damien)

mardi 20 janvier 2015

Renoncements

Le renoncement n'est pas réservé qu'aux moines bouddhistes...
Sylvaine appréciait énormément sa vie de célibataire et vivait de nombreuses aventures sans lendemain ; mais depuis qu’elle a rencontré Raoul, elle a décidé d’investir sur cette relation. Elle a renoncé à un certain égoïsme pour faire place au don de soi et à l’amour.

Wladimir adore l’aventure sauvage, il est fan de treks dans l’Himalaya ou de descentes de rivières en Afrique ; pour pouvoir mieux vivre sa passion, il a renoncé à un emploi en CDI et préfère avoir des missions courtes qui lui laissent plus de liberté pour partir à n’importe quel moment de l’année.

Afin de pouvoir accéder à un plus haut niveau de responsabilité professionnelle, Paola s’est engagée dans un lourd programme de formation, qui lui demande beaucoup de temps et d’énergie : elle y sacrifie une partie de ses week-ends et de ses vacances, mais elle pense qu’à terme cela vaut vraiment la peine.

La société dans laquelle nous vivons nous pousse à dépenser beaucoup d’énergie et de temps à essayer d’obtenir ce que nous désirons et à éviter ce que nous ne voulons pas, l’idéal étant d’avoir tout, tout de suite. Il nous arrive souvent de désirer ce dont nous manquons, de désirer que les choses soient différentes de ce qu’elles sont, de vouloir qu’elles adviennent selon nos souhaits. Ou bien à l’inverse, nous ne voulons pas de tel changement, de tel événement, de tel état de fait : nous y résistons, nous le rejetons, ou bien nous l’évitons, et parfois nous le nions, faisant comme s’il n’existait pas.

La logique du « toujours plus » nous pousse à ne pas renoncer : renoncer, croit-on, c’est baisser les bras, se résigner. Pourtant, dans la plupart des situations, nous nous rendons bien compte qu’il n’est pas possible de satisfaire tous nos désirs à la fois. Comme Sylvaine, Wladimir ou Paola, nous sommes amenés à définir des priorités pour accéder à notre objectif, soit en termes d’importance, soit en termes de délais (urgence) et donc de renoncer à certaines possibilités. Toute avancée comporte une part de renoncement, tout choix implique d’abandonner certaines options au profit d’autres qui nous semblent meilleures. Tout itinéraire d’un point à un autre implique de choisir certains chemins et d’en délaisser d’autres : sinon, on se condamne à errer sans but. À moins, évidemment, d’avoir choisi précisément de se promener sans but en vue d’un autre objectif : même dans ce dernier cas, il y a choix, donc renoncement.

Le renoncement, c’est le fait de se dessaisir de quelque chose par un effort de volonté, généralement au profit d’une valeur jugée plus haute.

Selon Épictète, il n’y a qu’une route vers le bonheur : renoncer aux choses qui ne dépendent pas de nous, et s’attacher à celles qui dépendent de nous. Dans cette perspective, le renoncement n’est pas gratuit, il entre dans un jeu d’équilibre avec l’engagement : pour mieux accomplir ceci, je renonce à cela.

La vie vous amène probablement à des renoncements. Comment les vivez-vous ? Avez-vous des regrets ? Ou le sentiment de vivre une dynamique d’engagement ?


Renaud CHEREL


Vous pouvez lire aussi dans ce blog des articles sur la même thématique :
    Désirer, avoir envie
    Etre et avoir
    Frugalité
    Pratiquer le renoncement


lundi 12 janvier 2015

Transmettre son expérience

Je voudrais ici – une fois n’est pas coutume – dire un mot sur mon expérience personnelle.

Le maître boulanger transmet son expérience à son équipe...
En début de carrière, j’ai été enseignant en agriculture avec l’idée de transmettre des savoirs, des connaissances à des élèves. Mais je me suis vite aperçu que le partage d’un savoir, s’il était indispensable, n’était pas suffisant pour permettre à l’autre d’acquérir l’expérience nécessaire à l’exercice de son métier. Le savoir constitue un socle, c’est évident ; mais encore faut-il, sur cette base, construire sa propre expérience. J’ai alors quitté un milieu dans lequel la plupart de mes collègues n’avaient pas d’expérience de terrain, mais transmettaient seulement ce qu’ils avaient appris en tant qu’étudiants.

Conseiller agricole, j’animais des groupes d’agriculteurs qui étaient invités à partager leur expérience technique. Je faisais partie d’une équipe de conseillers travaillant en lien avec des chercheurs de l’Institut National Agronomique : ces derniers apportaient une analyse scientifique des pratiques agricoles, tandis que les agriculteurs fournissaient des données, par exemple en enregistrant leurs temps de travaux pendant la journée. Nous avons de cette façon analysé l’ensemble des tâches conduisant à la production d’une tonne de blé, depuis la préparation du sol jusqu’à la récolte, ce qui a permis de modéliser le processus de production et ultérieurement de l’optimiser.

Plus tard, au sein d’une PME dédiée à l’intelligence artificielle, j’ai travaillé sur des Systèmes Experts, qui sont des logiciels visant à modéliser le diagnostic d’un expert dans un domaine particulier. Pour ce faire, l’on traduisait sa démarche en des ensembles de règles questionnées par un moteur d’inférences. Malheureusement nous avons dû jeter l’éponge faute d’avoir intéressé suffisamment de clients. J’ai alors travaillé dans une société qui créait et commercialisait des semences de grandes cultures où, dans la même optique, j’ai initié la mise en place d’un logiciel de collecte et d’interprétation des données d’observation destiné à extraire les caractéristiques optimales d’une bonne variété.

Enfin, dans l’activité de coaching de transition que j’exerce actuellement, mon travail consiste moins à faire passer des connaissances à mes clients qu’à leur fournir des outils leur permettant de mieux tirer parti de leurs propres ressources et de celles de leur environnement, dans un contexte donné. Au fil du temps, je suis amené à confirmer ce que je pressentais sans l’avoir vérifié : chacun d’entre nous possède bien plus de ressources personnelles qu’il ne l’imaginait au départ.

Comme disait Bernard de Chartres : « Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux. »

Nous autres humains avons cette extraordinaire capacité à transmettre à nos semblables non seulement des comportements instinctifs, mais aussi du savoir et de l’expérience. Nous détenons au fond de nous-mêmes des talents et des savoir-faire inexploités, mais aussi des capacités d’innovation et de création que nous ont légué ceux qui nous ont précédé : à chacun d’y recourir et d’exprimer ses potentialités pour le plus grand bien de tous !


Renaud CHEREL


Vous pouvez lire aussi dans ce blog des articles sur la même thématique :
    Faut-il avoir de l'expérience?
    Transmettre
    Poème d'été : Généalogies

lundi 5 janvier 2015

Faut-il avoir de l'expérience ?

Discussion entre collègues à la pause café.

« C’est très contradictoire, remarque Anne : d’un côté les entreprises ne veulent pas embaucher des jeunes sous prétexte qu’ils n’ont pas d’expérience, et de l’autres elles licencient des seniors qui ont cette expérience, car elles jugent qu’ils ne peuvent plus s’adapter aux changements.

- Oui, les choses évoluent, répond Bruno. Du temps de mes grands parents, on restait toute sa vie dans le même emploi, et l’expérience était valorisée ; les anciens apprenaient aux jeunes les ficelles du métier. Mais aujourd'hui, la créativité et l’innovation sont prioritaires, et avoir trop d’ancienneté dans une même activité peut être considéré comme un handicap.

- C’est vrai pour la concurrence entre entreprises, ajoute Gabriel : quand on est passé de la photo argentique au numérique, certaines de celles qui avaient le plus d’expérience, comme Kodak, ont finalement déposé le bilan, devancées par d’autres, complètement nouvelles sur le marché de la photo, mais plus innovantes, comme Sony.

- Cette tendance n’est pas limitée à la vie professionnelle, constate Édith. Avant, l’expérience de la vie était censée apporter une certaine sagesse qui était valorisée dans la société. Aujourd’hui, au contraire, la jeunesse est valorisée, on cherche à rester jeune et le fait d’avancer en âge est considéré comme une déchéance. »

Qu’est-ce que l’expérience ? C’est une connaissance de la vie acquise par des situations vécues, et dont on a tiré des enseignements. Il ressort de cette définition que l’expérience s’acquiert en deux temps : dans un premier temps, réceptif, je reçois des informations de la réalité, je vis une situation dont certains éléments (ou la totalité) sont nouveaux ou inconnus pour moi. Puis vient un second temps, plus actif, pendant lequel j’analyse ce que j’ai vécu pour en tirer des leçons ou adapter mes comportements à l’avenir dans des situations semblables. Ces deux démarches ne sont pas forcément conscientes et verbalisées : l’enfant qui se brûle en approchant sa main du feu en tire une expérience, sans pour autant avoir fait un raisonnement explicite.

« La sagesse est fille de l’expérience. » disait Léonard de Vinci.

Autoportrait de Léonard de Vinci

Ainsi définie, l'expérience est irremplaçable : personne ne peut faire mon expérience à ma place. Mon expérience personnelle est le fruit de la confrontation entre d'une part ce que je suis, avec ma personnalité, mon histoire, mon environnement propre, et d'autre part les événements qui me touchent.

Le problème, dans une société qui évolue sans cesse et très rapidement, c’est que les stratégies mises en place et consolidées pour faire face à un certain type d’environnement se trouvent vite obsolètes quand l’environnement est modifié. Par conséquent, ce sont les individus ou les groupes les plus souples et les plus adaptables qui s’en sortiront le mieux.

Mais la capacité à s’adapter est elle-même, au moins en partie, le fruit de l’expérience ; même si certains individus sont plus adaptables que d’autres, cette capacité n’est pas totalement innée. Et si personne ne peut transférer vraiment sa propre expérience à autrui, on peut cependant transmettre des outils : nous le verrons dans le prochain article.


Renaud CHEREL


Vous pouvez lire aussi dans ce blog des articles sur la même thématique :
    Acquérir la maîtrise
    Changement et blocages
    Résistance au changement    
    Transmettre son expérience
    Être informé n'est pas connaitre