Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 18 janvier 2016

Transgression

La récente avalanche qui a coûté la vie à trois personnes aux Deux-Alpes me pose la question de la transgression et de ses conséquences. En effet, les victimes de l’accident se trouvaient sur une piste fermée par un filet portant un panneau d’interdiction.

Transgresser, c’est ne pas respecter une obligation, une loi, un ordre, des règles, bref, un interdit. Le terme vient du verbe latin transgredior qui signifie passer de l’autre côté, traverser, dépasser une limite. Or, on constate que la simple existence d’une interdiction suscite chez certains individus le désir de la transgresser. Plusieurs raisons peuvent être invoquées :     
- l’objet interdit se trouve privilégié parmi les innombrables objets auxquels la liberté est confrontée, il émerge donc comme une cible de choix ;     
- celui qui transgresse l’interdiction peut vouloir défier l’autorité et rivaliser avec elle, dans un mouvement qui consiste à se poser en s’opposant.

Mais ce verbe transgredior peut signifier aussi parcourir d’un bout à l’autre, exposer complètement ; on note, en effet, que la transgression peut avoir un côté ostentatoire : on transgresse parfois pour se faire remarquer, pour être reconnu, identifié comme un élément réfractaire, voire rebelle ou dissident.
Georges Bataille, étonnant romancier interdisciplinaire, écrivait : « La transgression n'abolit pas l'interdit mais le dépasse en le maintenant. » La transgression nécessite l’interdit pour exister : sans interdit, pas de transgression. C’est pourquoi le même auteur note que « jamais pour l’animal rien n’est interdit ». À la différences des animaux, l’homme institue des interdits, qui sont des constituants de la culture.

La transgression n’est pas forcément négative, elle fait partie du processus d’individuation. Le jeune enfant, et surtout l’adolescent, se construisent en partie par la transgression des lois établies par leurs parents et leurs substituts. Plus généralement, au niveau collectif, beaucoup de grandes découvertes ont été faites à la suite de la transgression d’une règle ou d’un interdit.

Par le passé, la transgression était organisée par la société, qui mettait en scène ce « passage outre » à travers des fêtes ou des cérémonies qui foulaient les interdits pour mieux souligner leur importance, et finalement les renforcer. Saturnales romaines, tirage des rois, mardi gras et carnaval médiévaux, et bien d’autres fêtes permettaient ce renversement où les puissants étaient moqués ou rabaissés et le dérèglement des sens toléré.

La mythologie met en scène beaucoup de transgressions.
Ici, Saturne dévorant son fils, peinture de Goya.
Aujourd'hui, il semble que tout soit permis dans nos sociétés occidentales, et l’on peut dès lors se demander si la notion de transgression existe encore. Alors que l’éducation a été longtemps basée sur des interdits, aujourd'hui elle se présente comme beaucoup plus permissive. Par ailleurs, nous sommes encouragés de multiples façons à transgresser les vieux interdits moraux, à travers les médias ou la publicité. Mais à y regarder de plus près, les interdits sont toujours là, ils ont simplement changé de domaine. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner les forêts de réglementations encadrant l’exercice de la quasi-totalité des professions, mais aussi de nos activités, que ce soit dans les transports, les loisirs ou autres.

Et vous, avez-vous tendance à facilement transgresser les règles ? Pourquoi ?


Renaud CHEREL


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