Certains d’entre nous passent beaucoup de leur temps à
anticiper, à se demander de quoi demain sera fait, et à prévoir ce qui peut
arriver de façon à prendre les mesures nécessaires pour y faire face ;
d’autres, au contraire, vivent dans le présent, sans trop se préoccuper de
l’avenir. Pourtant, dans notre vie quotidienne, nous sommes sans cesse
sollicités à nous projeter dans l’avenir.
Par exemple, chaque fois que nous manipulons des médicaments
ou des aliments conditionnés, nous trouvons sur l’emballage une date de
péremption, au-delà de laquelle le produit n’est plus consommable. Dans sa banalité,
cette date de péremption passe la plupart du temps inaperçue ; et
pourtant, si on prend le temps d’y réfléchir un instant, elle nous rappelle
quelques vérités profondes :
D’abord, c’est un rappel de la corruptibilité des
choses : rien de dure éternellement, tout est amené à se détériorer, à se
gâter, à pourrir. Au-delà d’un certain délai, les propriétés de cet aliment ou
de ce médicament auront tellement changé que non seulement il ne sera plus
nourrissant ou apte à me guérir, mais il risque de devenir un poison pour moi.
Ce produit qui m’était utile sera devenu inutile pour moi, voire toxique.
Ensuite, la date de péremption est une projection dans
l’avenir. Prenez un aliment emballé quelconque, il vous projette dans un avenir
plus ou moins proche :
- pour les viandes et poissons, les fruits et légumes,
les laitages frais, le délai est de quelques jours ;
- le lait UHT vous projette dans un avenir de trois ou
quatre mois ;
- la confiture vous envoie dans un futur de deux
ans ;
- les pâtes alimentaires et certains légumes secs dans
deux ou trois ans ;
- et des conserves peuvent vous emporter encore plus
loin, cinq ans ou davantage.
Mais certaines catégories d’aliments ne portent pas de date
de péremption ; c’est le cas par exemple du vin : s’il s’agit d’un
bon cru, vous pouvez conserver votre bouteille aussi longtemps que vous le
désirez, à condition d’avoir une bonne cave, bien sûr ! Et aucune règle ne
vous enjoindra de le consommer avant telle date : à vous de juger quel est
le meilleur moment pour le boire…
Ces considérations peuvent avoir un écho plus
personnel : est-ce que je me considère comme quelque chose d’utile ?
Et dans ce cas, quelle est ma « date de péremption »
personnelle ? Cette date de péremption, on peut imaginer que ce sera le
moment où la société jugera que je n’ai plus d’utilité… Est-ce que je me vois
comme les produits frais ou comme les boîtes de conserves ? Ou bien est-ce
que je m’imagine, de ce point de vue, plutôt comme un bon vin, qui se bonifie
avec l’âge, et qui n’a pas de date de péremption définie ? Ai-je une idée
du moment où l’on jugera que je ne suis plus utile à personne ? Ou est-ce
que pour moi la valeur et la dignité de la personne humaine sont d’un autre
ordre que son « utilité » ?
Renaud CHEREL
Ce message vous a plu ? Vous pouvez voir aussi dans ce blog :
Nous sommes mortels
Finitude
Renaud CHEREL
Ce message vous a plu ? Vous pouvez voir aussi dans ce blog :
Nous sommes mortels
Finitude
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire