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Charlie Chaplin dans "Les temps modernes" |
Il semble que la conception du travail, la valeur qu’on lui
attribue, le sens même qu’on lui donne, ne sont plus tout à fait les mêmes
aujourd'hui que pour les générations précédentes. La notion de travail qui,
comme beaucoup d’activités humaines, tire sa plénitude de son exercice même, a
été d’une certaine façon corrompue, dégradée lorsqu’on a progressivement
séparé, à l’intérieur de l’entreprise, la conception de l’exécution : d’un
côté le travail noble, intellectuel, et de l’autre la mise en œuvre, manuelle
ou mécanisée. Cette séparation, qui tend à dévaloriser le travail manuel,
dévalorise aussi l'acte de travail lui-même. Or, l’exercice du travail n’est
pas sans connexion avec le sens de la vie humaine. Il y a même un lien
extrêmement profond entre les deux, et l’affirmation, selon laquelle la société
des loisirs est un idéal vers lequel tendre, pose bien des questions.
Pour beaucoup, la notion de travail est liée à des
perceptions de plus en plus négatives, et les aspects contraignant deviennent
primordiaux : le travail est perçu comme pénible, difficile, il réclame
des efforts considérés de plus en plus comme des contraintes inacceptables.
Cette conception tend à limiter le travail à sa seule
dimension alimentaire, alors que la vraie vie serait ailleurs. En conséquence,
on peut être tenté de faire son temps de travail sans trop s’engager, d’arriver
et de partir à l’heure. Car l’on ne commencera à vivre vraiment qu’une fois
sorti, pendant son « temps libre », dans des loisirs estimés plus
épanouissants.
Plus encore : fatigant, purement alimentaire, le
travail peut être perçu comme un frein à la créativité. La séparation entre
conception et réalisation oblige l’individu à s’inscrire dans un « process »
où souvent l’acte posé a perdu son sens. Au niveau de la société tout entière,
le travail apparait de plus en plus comme un mal nécessaire, un fardeau à
alléger. Le temps de travail devient une marchandise comme une autre.
Pourtant, le travail demeure un moyen unique de se réaliser
soi-même. En effet, on peut distinguer le travail au sens objectif, l’acte de
transformation de la matière, et le travail au sens subjectif, l’acte par
lequel la personne se réalise elle-même (individuellement et/ou collectivement)
et contribue en quelque sorte à sa propre création.
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Travailleur handicapé qui trouve une insertion sociale par le travail |
Le travail permet à l’individu de répondre à ses besoins : si l’on
reprend la classification de Maslow, ce sont d’abord les besoins
physiologiques, puis les besoins de sécurité, mais aussi les besoins
d’appartenance, ceux d’estime ou de reconnaissance, et enfin les besoins d’accomplissement.
En travaillant, chacun contribue à la réalisation de sa propre humanité, à
l’accomplissement de sa vocation en tant que personne. Finalement, ce n’est pas
l’aspect financier, économique ou même le type de travail qui en fait la
valeur, mais son sujet, c’est-à-dire la personne qui l’exécute, dans sa
liberté. Liberté qui va avec responsabilité, comme le dit Saint-Exupéry :
« Le simple berger lui-même qui veille
ses moutons sous les étoiles, s’il prend conscience de son rôle, se découvre
plus qu’un berger. Il est une sentinelle. Et chaque sentinelle est responsable
de tout l’Empire ». (Citadelle)
Renaud CHEREL
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Travail et loisirs
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