Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 3 février 2014

Donner du sens au travail

Charlie Chaplin dans "Les temps modernes"
Il semble que la conception du travail, la valeur qu’on lui attribue, le sens même qu’on lui donne, ne sont plus tout à fait les mêmes aujourd'hui que pour les générations précédentes. La notion de travail qui, comme beaucoup d’activités humaines, tire sa plénitude de son exercice même, a été d’une certaine façon corrompue, dégradée lorsqu’on a progressivement séparé, à l’intérieur de l’entreprise, la conception de l’exécution : d’un côté le travail noble, intellectuel, et de l’autre la mise en œuvre, manuelle ou mécanisée. Cette séparation, qui tend à dévaloriser le travail manuel, dévalorise aussi l'acte de travail lui-même. Or, l’exercice du travail n’est pas sans connexion avec le sens de la vie humaine. Il y a même un lien extrêmement profond entre les deux, et l’affirmation, selon laquelle la société des loisirs est un idéal vers lequel tendre, pose bien des questions.

Pour beaucoup, la notion de travail est liée à des perceptions de plus en plus négatives, et les aspects contraignant deviennent primordiaux : le travail est perçu comme pénible, difficile, il réclame des efforts considérés de plus en plus comme des contraintes inacceptables.

Cette conception tend à limiter le travail à sa seule dimension alimentaire, alors que la vraie vie serait ailleurs. En conséquence, on peut être tenté de faire son temps de travail sans trop s’engager, d’arriver et de partir à l’heure. Car l’on ne commencera à vivre vraiment qu’une fois sorti, pendant son « temps libre », dans des loisirs estimés plus épanouissants.

Plus encore : fatigant, purement alimentaire, le travail peut être perçu comme un frein à la créativité. La séparation entre conception et réalisation oblige l’individu à s’inscrire dans un « process » où souvent l’acte posé a perdu son sens. Au niveau de la société tout entière, le travail apparait de plus en plus comme un mal nécessaire, un fardeau à alléger. Le temps de travail devient une marchandise comme une autre.

Pourtant, le travail demeure un moyen unique de se réaliser soi-même. En effet, on peut distinguer le travail au sens objectif, l’acte de transformation de la matière, et le travail au sens subjectif, l’acte par lequel la personne se réalise elle-même (individuellement et/ou collectivement) et contribue en quelque sorte à sa propre création.

Travailleur handicapé qui trouve une insertion sociale par le travail
Le travail permet à l’individu de répondre à ses besoins : si l’on reprend la classification de Maslow, ce sont d’abord les besoins physiologiques, puis les besoins de sécurité, mais aussi les besoins d’appartenance, ceux d’estime ou de reconnaissance, et enfin les besoins d’accomplissement. En travaillant, chacun contribue à la réalisation de sa propre humanité, à l’accomplissement de sa vocation en tant que personne. Finalement, ce n’est pas l’aspect financier, économique ou même le type de travail qui en fait la valeur, mais son sujet, c’est-à-dire la personne qui l’exécute, dans sa liberté. Liberté qui va avec responsabilité, comme le dit Saint-Exupéry : « Le simple berger lui-même qui veille ses moutons sous les étoiles, s’il prend conscience de son rôle, se découvre plus qu’un berger. Il est une sentinelle. Et chaque sentinelle est responsable de tout l’Empire ». (Citadelle)

Renaud CHEREL


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