Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 8 octobre 2012

Utile, inutile


Utile : dont l’usage, l’emploi est ou peut être avantageux, satisfait un besoin.
Utilitarisme : doctrine selon laquelle l’utile est le principe de toutes les valeurs dans le domaine de la connaissance et de l’action. Attention : chez les tenants de l’utilitarisme, la notion d’utilité n’a pas le sens qu’on lui attribue couramment ; ce qui est « utile » désigne ce qui contribue à maximiser le bien-être d’une population. On peut résumer le cœur de la doctrine utilitariste par la phrase : Agis toujours de manière à ce qu’il en résulte la plus grande quantité de bonheur (principe du bonheur maximum).

Même après avoir pris cette précaution sémantique, il me semble difficile aujourd’hui dans notre société d’échapper à l’emprise de l’utilitarisme, alors même que cette notion est absente du fonctionnement de bien des cultures non occidentales, et n’a probablement pas été un moteur de la nôtre avant la Renaissance.

"Paradoxe entre l'utile et l'inutile" (Oeuvre de Sébastien Desjardins)
En écoutant des gens parler de leur relation à l’entreprise, je me suis rendu compte du degré d’imprégnation de notre société par l’utilitarisme : en dehors des moments de crise, le salarié a tendance à se voir lui-même, dans le schéma de fonctionnement de l’entreprise, comme un rouage plutôt que comme une personne. Mélanie, cadre dans une grande entreprise, se pose beaucoup la question de son utilité professionnelle : « dans le service que je dirige, je pense que je pourrais être mieux utilisée… » « Je suis utilisée par la Direction Générale en dessous de ma valeur… » C’est pour elle la façon normale de se poser la question de sa place dans l’entreprise.

Et dans le même temps, l’on proteste en cas de changements imposés, de restructuration ou de licenciements. Pierrick s’insurge : « Ils m’ont gardé tant que j’étais utile, et maintenant ils me jettent ! » Dans cette protestation, il y a le sentiment que la personne ne se réduit pas à sa seule utilité pour l’entreprise ; elle n’est pas qu’une machine, un robot, un pion. Pierrick a conscience à ce moment-là qu’il possède d’autres dimensions, une valeur qui dépasse le chiffrable et le mesurable.

Même dans le relationnel quotidien, hors de l’entreprise, on peut avoir une vision utilitariste : Maximin a tendance à fréquenter les personnes ou les groupes sociaux qui vont lui être utile pour sa promotion, son plan de carrière, tandis que Victoria se retrouve dans les cercles lui permettant de conforter son statut social… 

Ce sont des comportements courants qui prennent une place très importante dans le fonctionnement de notre société. Mais peut-on prétendre pour autant que c’est le ressort exclusif de toute interaction sociale ? Il y a, me semble-t-il, une part de gratuité dans beaucoup d’actes humains qui contribue à mes yeux à la dignité de la personne humaine. Et s’il est vrai que dans la vision libérale actuelle, l’employé d’une entreprise est considéré comme une ressource, et donc « utile » dans la mesure où il est productif, cela n’est probablement pas la seule manière d’envisager le fonctionnement en société. Après tout, l’entreprise est au service des hommes et non pas l’inverse.

Renaud CHEREL




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Sites externes :
    Expo Sébastien Desjardins

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