Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 15 octobre 2012

Utilité et gratuité


Poursuivant la réflexion sur la notion d’utilité, peut-on affirmer que des choses ou des actes puissent être gratuits, dans le sens qu’ils puissent avoir une importance intrinsèque, en eux-mêmes, et non pas en fonction de l’usage, réel ou espéré, qu’on pourrait en tirer ?

Ce dessin est-il utile ? (Huit têtes, M.C. Escher)
Par exemple, Stanislas a conservé dans son salon une babiole qui, considérée en toute objectivité, s’avère parfaitement inutile et mériterait d’être jetée au rebut. Cependant, si Stanislas le garde, c’est que cet objet revêt une grande importance sentimentale à ses yeux, il lui rappelle un moment heureux ou un être aimé : il a donc son utilité subjective. Considéré de ce point de vue, il est malaisé de trouver ne serait-ce qu’une seule chose dite inutile qui ne soit pas utile à un certain niveau.

S’il est difficile de trouver des objets subjectivement inutiles, peut-on trouver des actes inutiles, parfaitement gratuits ? André Gide, dans son roman Les Caves du Vatican, dessine un tel personnage : Lafcadio précipite un vieillard hors d’un train en marche sans raison précise autre que celle d’exercer sa liberté. Pourtant, même dans cet exemple, l’acte de Lafcadio n’est pas réellement sans motivation : il y a probablement chez lui le désir de se distinguer, d’être original, ou bien la fascination d’une sorte de jeu où interfèrent la vie et la mort. Son geste n’était donc pas totalement gratuit.

Autrement dit, il semble que nous ne décidions consciemment d’entreprendre une action que si elle s’avère, directement ou indirectement, à plus ou moins longue échéance, utile pour nous ou pour le groupe humain dont nous faisons partie. Je dis consciemment, car on peut se demander si certains actes exécutés sous l’effet d’émotions peuvent être qualifiés de gratuits, c’est-à-dire sans utilité évidente.

Beaucoup de travaux réalisés récemment sur les émotions et les instincts tendent à montrer que les comportements, même quand ils paraissent gratuits, sont pratiquement toujours liés à la survie de l’individu ou de l’espèce, et donc ont un caractère utilitaire. Si l’on en croit le néodarwinisme, tous les comportements sont ce qu’ils sont parce qu’ils ont – ou ont eu par le passé – un intérêt pour la survie de l’espèce. Pour prendre un exemple, les mouvements inconscients du corps – ce qu’on appelle le langage non-verbal – sont pour la plupart interprétés comme des reliquats de comportements visant à améliorer la survie de l’individu et du groupe : gestes de protection, gestes de fuite, gestes d’attaque. Un geste aussi anodin que de se frotter le cou pendant une conversation aurait une fonction d’auto-apaisement, de réconfort après un stress.


Cependant, l’on peut objecter que ces recherches ont été menées par des scientifiques imprégnés par le déterminisme : dès lors, rien n’échappe à cette interprétation et, à l’intérieur de ce paradigme, il est difficile de trouver des comportements que l’on pourrait qualifier de parfaitement gratuits. Pour ma part, je reste persuadé qu’une dimension de l’humain échappe au déterminisme, qu’un espace de liberté existe qui nous permet de faire des choix et de poser des actes gratuits, comme ceux dictés par l’amour inconditionnel. 

Renaud CHEREL




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