Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

mardi 6 décembre 2016

Vivre ensemble


Dans notre société de plus en plus mélangée, le vivre-ensemble n’est pas toujours facile. Pour illustrer ce propos, voici une scène vécue personnellement à Paris.

Je prends le métro à Nation, station de départ de la ligne 6. Les wagons sont presque vides ; je monte au hasard et m’installe côté couloir à un endroit où se trouvent quatre places en vis-à-vis, tandis qu’une dame d’une trentaine d’années, assez forte, à la peau noire, s’assied à la place en diagonale en face de moi, côté fenêtre. Juste avant le départ du train, une troisième personne arrive : c’est une dame d’une soixantaine d’années, plutôt petite, le visage un peu émacié, très maquillée, vêtue assez élégamment d’une jupe et d’une petite veste rouge vif. Elle fait mine de s’installer à côté de moi, côté fenêtre, aussi je me lève pour la laisser passer. Tout d’un coup, son visage s’empourpre et elle explose, s’adressant violemment à la jeune femme noire : 
    
-« Vous pouvez pas vous asseoir correctement, non ? Vous voyez pas que vous prenez toute la place ? reculez vos genoux, que je puisse m’asseoir ! 
      
La jeune femme interpellée réagit aussitôt : - Et puis quoi encore ? Vous voulez peut-être que je me les coupe, mes jambes ?       

Voyant que les choses risquent de s’envenimer, je m’assieds à côté de la jeune femme noire et je désigne ma place à la dame en rouge : 
     
- Peut-être ainsi aurez-vous assez de place pour vos jambes ?
Elle s’assied en face de moi en grommelant :      
- Le monsieur, au moins, il est assis correctement. C’est pas difficile de s’asseoir correctement !... Du coin de l’œil, elle me regarde, cherchant mon approbation. Comme je ne bronche pas, elle change de tactique, s’adressant à la jeune femme :           
- Vous pourriez surveiller votre régime ! Je ne sais pas ce que vous mangez pour être grosse comme ça !

L’autre répond, tout en restant dans les limites de la politesse :     
- Cela ne vous regarde pas, ce que je mange. Je ne vous demande pas votre âge, moi !
La première continue sur le même ton, tout en jetant des regards victorieux alentour :           
- Moi, je suis née ici, et c’est pas vous qui allez me prendre ma place et me dire ce que je dois faire ! » 

Manifestement, elle quête mon approbation, mais je ne lui accorde pas un regard.
Partisan de la communication non violente, j’ai choisi la stratégie de ne rien dire : agresser verbalement la dame en rouge en la traitant de raciste, c’était entrer dans son jeu. Mon attitude la fera peut-être réfléchir, même si je n’en suis pas complètement sûr. Après son départ, quelques stations plus loin, j’en discute avec ma voisine, la jeune femme noire, qui me dit ne pas trop lui en vouloir, même si elle avoue avoir un peu perdu son calme. Mais elle se dit prête à la réconciliation si l’autre en faisait la demande.

Et vous, comment auriez-vous réagi dans une pareille situation ?

 

Renaud CHEREL


Vous pouvez lire aussi dans ce blog des articles sur la même thématique :
    Juger sur les comportements
    La projection, mécanisme de défense
    Catégoriser a ses limites


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour, ma réaction aurait sans doute été à peu de chose près la même ; la femme vindicative a été la seule à s'emporter, même si tous ceux assistant à la scène ont dû être interpellés en leur for intérieur. Vous parlez de communication non violente, l'analyse transactionnelle vous aurait sans doute guidé dans la même direction. Je pense que le problème est moindre lorsque la personne vindicative se trouve face à quelqu'un qui apporte une réponse équilibrée comme ça a été le cas. Qu'aurions-nous, vous ou moi, fait si la personne agressée n'avait pas répondu, faute de "ressources" intérieures ?

Renaud CHEREL a dit…

Bonjour,
Pour répondre à votre question, j'ai effectivement réfléchi (après coup, en notant cet incident dans mon journal personnel) à ce que j'aurais fait si la personne agressée n'avait pas répondu. Je me serais adressé à la personne agressive en lui disant que j'étais étonné et triste de constater qu'elle n'avait pas remarqué les qualités de son interlocutrice, et notamment sa grande patience...
Pratiquant la communication non violente (ou non défensive) depuis de nombreuses années, je puis dire qu'il est nécessaire de s'y entraîner régulièrement afin de ne pas laisser les émotions dites négatives, comme la colère, nous envahir et guider nos comportements, car la manifestation de colère entraîne souvent des dégâts collatéraux. Ceci étant dit, une bonne colère règle parfois très bien les choses.

Annie a dit…

hahaha ! Tu me connais... et pour répondre à ta question : j'aurais discrètement tendu le pied pour faire trébucher la dame en rouge, visiblement acariâtre ! Tout en m'excusant hypocritement bien sûr, histoire de détourner son attention de l'autre passagère... Bonne journée Renaud !