Utopie, pays imaginaire idéal |
Pourtant, de nombreuses utopies sont propagées dans notre
société. Citons quelques exemples :
- La promesse qu’un monde meilleur, voire idéal, sera atteint dans peu de
temps grâce à l’effort de tous les citoyens ;
- de façon plus pragmatique, une part des
promesses faites par certains candidats aux élections, qui ne sont parfois pas
tenues, parce que pas réalisables ;
- la recherche du partenaire idéal pour former le couple idéal, recherche
qui me semble plus marquée aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a quelques
générations ;
- Mais aussi les innombrables promesses de la publicité, qui pour la
plupart dessinent un monde idéal – une utopie – promis aux détenteurs des biens
dont la promotion est faite.
Paul Watzlawick, théoricien américain de la communication, a
montré avec ses collègues de l’École de Palo Alto que les utopies ont des
effets pernicieux et aboutissent souvent à l’inverse de ce qu’elles étaient supposées
apporter. En effet, si l’on arrivait à atteindre un état idéal de la société,
une fois cet idéal atteint, tout écart aboutirait nécessairement à un état
moins bon. Par conséquent, dans une telle société idéale, toute innovation et
même tout changement seraient à bannir, puisqu’ils risqueraient de détériorer
l’état idéal. Tous les gens créatifs ou originaux seraient mis en face d’un
choix cornélien : soit ils continuent d’appartenir à la société, et pour
cela ils doivent accepter d’être « rééduqués » par un système de
lavage de cerveau. Soit ils refusent, et dans ce cas la société a le devoir de
s’en débarrasser pour subsister. Cette vision des choses n’est pas qu’une
théorie : l’Histoire a démontré maintes fois comment la logique de
l’utopie amenait à ce genre de conclusion, pour preuve les excès perpétrés sous Hitler, Staline, Mao, Pol Pot ou d’autres régimes politiques.
Très souvent, les remèdes proposés pour résoudre les
« problèmes » qui se posent dans le cadre de la recherche de l’utopie
ne font qu’aggraver la situation. Là encore, Watzlawick propose des exemples
assez parlants. Par exemple, le cas d’un couple dont la femme trouve que son
mari ne communique pas assez : pour en savoir plus, elle le presse de
questions. Mais lui, ressentant cette intervention comme une intrusion, a
tendance à se montrer laconique. Si sa femme, croyant résoudre le problème,
intensifie son questionnement, il y a de grandes chances que le mari s’enferme
davantage dans son mutisme, provoquant éventuellement des soupçons : « pourquoi
ne me parle-t-il pas ? A-t-il une maîtresse ? » Ce genre de
cercle vicieux peut aller jusqu’à la rupture.
Watzlavick montre que, dans un certain nombre de cas, les
problèmes sont créés par la recherche même de l’utopie. La société idéale
n’existe pas, pas plus que le couple idéal. Si donc les difficultés quotidiennes
sont vues comme faisant partie de la normalité, bien des problèmes disparaissent !
Renaud CHEREL
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Du rêve au projet
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