-« Quand mon boss m’a dit ça, je n’ai pas répondu, mais
je n’ai absolument rien fait de ce qu’il m’avait demandé ! » explique
Inès.
-« Non, c’est pas vrai ! Tu n’as pas
osé !? » questionne Fanny.
-« Je n’ai eu aucun scrupule, d’autant plus que ce
n’était pas dans mes attributions de fonction. »
Selon le Petit Robert, la négation est l’acte de l’esprit
qui consiste à nier, à rejeter une proposition, une existence. Quant à la
dénégation, c’est le refus de reconnaître comme vrai un fait ou une assertion.
« Non » fait partie des premiers mots de l’enfant,
dont, à cinq ou six ans, il sait fort bien définir le sens comme l'expression de
son désaccord, le refus de faire quelque chose qu'il n'aime pas, ou encore
l'absence d'envie. Jeu d’enfant ? Pourtant, à la réflexion la négation
n’est pas si simple qu’elle ne le paraît au premier abord.
D’abord, pour qu’il y ait une négation, ne faut-il pas en
préalable une affirmation ? Dans ce cas, la négation n’est qu’une affaire
de mots exprimant l’inverse de quelque chose qui est : elle n’existe pas
en soi. La réponse à cette question doit être nuancée. Effectivement, quand je
dis non, quand je nie, j’exprime un refus par rapport à une proposition ou une
réalité positive. Mais n’y a-t-il pas du négatif existant en soi ? Par
exemple, lorsque je dis « cet homme n’est pas grand », cette
proposition négative pourrait être remplacée par une affirmative :
« cet homme est petit ». De même, je peux dire qu’existent le mal, la
mort, le néant, le vide, l'imperfection, etc.
Ensuite, n’y a-t-il pas différentes formes de
négation ? Car il convient de distinguer la négation active et la négation
passive, distinction qui introduit des degrés de nuances intermédiaires entre
une chose et son contraire. Par exemple :
- la négation passive du mouvement est le repos, sa
négation active est le mouvement en sens opposé ;
- la négation passive de la richesse est la pauvreté ; sa négation
active est l’endettement ;
- la négation active de la croyance en un ou des dieux est
l’athéisme : « il n’y a pas de dieu » ; sa négation passive
est l’agnosticisme : « je ne sais pas si un dieu existe ».
- comprendre l’impossibilité de quelque chose est une négation
active ; ne pas comprendre la possibilité de cette chose est une négation
passive.
Dans leur conversation, les deux amies pratiquent ces deux
sortes de négation : Inès use de la négation passive vis-à-vis de son
supérieur hiérarchique, alors que Fanny, en contrant directement son amie, est
dans la négation active. Quoique… la tournure interrogative de sa phrase peut
laisser deviner qu’elle ne remet pas réellement en cause les propos d’Inès.
Certaines personnes reconnaissent ne pas savoir dire non et
ont conscience de se priver ainsi d’un moyen d’affirmation de soi :
paradoxalement, la négation peut être au service de l’affirmation !
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Renaud CHEREL
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