La pensée magique est un mode de pensée spontané de l’être
humain, dont Max Weber disait
qu’elle est un « enchantement du monde ». Non pas dans le sens
d’émerveillement, mais d’ensorcellement, de mise sous le sortilège.
Dans notre
société largement désenchantée, deux domaines cependant font un usage assez
intensif de la pensée magique : la publicité et la politique. Dans la
publicité actuelle, on ne vend pas un produit mais un concept : par
exemple la jeunesse, le naturel, le dépassement de soi ou la sécurité. En
achetant le produit, le client acquiert la qualité vantée par la publicité. En
politique, il est facile de déraper vers une forme de pensée magique en
invoquant des formules incantatoires peu rationnelles. Dans les batailles
électorales, combien voit-on de slogans garantissant de changer les choses
comme sous le coup d’une baguette magique, ou d’affirmations péremptoires
promettant de faire disparaître tous les obstacles ? En croyant que la
parole incantatoire ait quelque chose à voir avec l’acte, et même qu’elle peut
le suppléer, on est dans la pensée magique.
La pensée magique va souvent s’accompagner d’un peuplement
du monde par des entités animées, représentant une opposition entre les forces
du bien et celles du mal. Ainsi les mythologies de toutes les civilisations
anciennes, qui peuplaient le ciel de dieux et déesses aux traits de caractère
et aux émotions comparables aux humains. Les légendes de beaucoup de contrées
font vivre des personnages tels que lutins des bois, farfadets, fées, elfes,
nains, korrigans, ondines des lacs et rivières, sirènes des mers, gobelins,
esprits frappeurs… sans oublier les vampires et autres créatures de la nuit,
qui tous se comportent peu ou prou comme des humains.
L’attribution de caractéristiques humaines à des événements,
des objets ou des animaux est nommée anthropomorphisme par les spécialistes.
Cette propension peut être très banale : ainsi, cet homme qui donne un
coup de pied à sa voiture en s’exclamant : « Qu’est-ce qu’elle
a ? Elle ne veut pas démarrer ce matin ! » ou cette femme qui
projette très spontanément sur son chat ses propres sentiments – alors que,
très objectivement, il n’est pas possible de savoir ce qui se passe dans la
tête d’un animal, fût-ce celui qui partage notre quotidien.
Cette propension naturelle à prêter des traits humains aux
animaux a beaucoup été utilisée dans la littérature : on peut penser par
exemple aux fables d’Ésope ou de La Fontaine, dans lesquelles le lion est
autoritaire et magnanime, le renard est rusé et fourbe, etc. À notre époque, le
cinéma et la télévision ont repris cette veine, avec les dessins animés de Walt
Disney, les cartoons américains et de nombreux jeux vidéo. Mais, contrairement à la politique, on est là dans un
univers ludique qui interfère moins directement avec la réalité.
Dans la série noire de BD "Blacksad", l'illustrateur Guarnido joue à merveille des stéréotypes animaux : ici, les malfrats sont figurés par des reptiles. |
Renaud CHEREL
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Pensée magiqueBibliographie :
Les Fées, de Brian Froud et Alan Lee, Albin Michel, 1979. Ce livre, richement illustré de magnifiques dessins et aquarelles, explore et évoque le royaume de Féerie tel que décrit dans les mythes et légendes de différents pays, essentiellement de culture celtique ou anglo-saxonne. Sa lecture est un pur divertissement.
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