Sandrine traverse une période délicate de changement dans sa vie. Elle a décidé de se faire accompagner par un coach, qui va l’aider à trouver en elle-même les ressources nécessaires pour opérer ce changement.
Mais parler de période de changement implique qu’en dehors de cette période, Sandrine reste Sandrine, égale à elle-même. Sachant que toutes les cellules de son corps se renouvellent à un rythme relativement rapide – sauf les cellules nerveuses, qui changent aussi, mais beaucoup plus lentement – et que la plupart d’entre elles n’existaient pas il y a six mois, comment peut-elle affirmer sa permanence en tant que sujet ? Est-ce que Sandrine est réellement la même personne, ou bien est-elle différente de ce qu’elle était il y a six mois, il y a un an, dix ans ? Quel rapport y a-t-il entre l’enfant qu’elle était à l’âge de cinq ans et l’adulte qu’elle est aujourd'hui ? Son voisin Paul qui a sombré récemment dans la dépression est-il le même que celui qu’elle connaissait l’année précédente, plein de joie et d’optimisme ?
Toutes ces questions, bien évidemment, des millions de gens les ont posées avant nous. Car la vie est mouvement, changement ; et ce qui ne change pas meurt inexorablement. On pourrait répondre que l’unité de l’individu est un trompe-l’œil, une illusion ; chaque personne est en réalité une foule, une construction de milliards de cellules différentes en perpétuel changement, en réaménagement constant. Une autre proposition de réponse est l’approche de la Gestalt : le tout est bien plus que les parties qui le constituent, il est d’une autre nature ; ainsi, le tout demeure au-delà de l’aspect transitoire de ses parties.
Edgar MORIN utilise une image très parlante à ce propos : le tourbillon dans un torrent nous semble stable, alors qu’il est changeant à tout instant, puisque les particules d’eau qui le composent ne font qu’y passer ; tout en étant stable il n’est jamais le même, et son existence même dépend du flux de l’eau qui le constitue : que le flux d’eau s’arrête, et le tourbillon disparaît, il meurt.
Souvent, dans la rencontre entre un flux et un obstacle, il se crée un tourbillon, c'est-à-dire une forme organisée constante et qui se reconstitue sans cesse elle-même (…). C’est dire qu’un ordre organisationnel (tourbillon) peut naître à partir d’un processus qui produit du désordre (turbulence).
Edgar MORIN, Introduction à la pensée complexe
Mais la question demeure : ce tourbillon est-il une entité en soi, ou bien n’est-ce qu’un concept, créé par l’observateur ? À beaucoup d’égards, nous sommes comparables à ce tourbillon ; notre être matériel dépend entièrement des flux entrants et sortants : flux d’air, de nourriture, etc., mais aussi flux d’informations, d’émotions, de choses partagées... Donc ce qui me constitue au plus intime corporellement ne serait-il en réalité qu’un ensemble éphémère et changeant ?
La permanence de l’individu ne serait-elle alors qu’un leurre, un artefact ? À moins que ce rôle ne soit dévolu à ce qu’on appelle l’âme ?... à chacun de répondre…
Renaud CHEREL
Voir aussi dans ce blog :
Histoire de changer
Changement et blocages
Résistance au changement
Déménagement
Comment gérons-nous l'imprévu ?
Changer d'habitude
Nomades et sédentaires
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