Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 12 octobre 2009

Donner des signes de reconnaissance

Sur le trottoir, William croise une connaissance et lui fait un signe de la tête ; mais l’autre l’ignore et passe son chemin. « Quel mufle ! pense William… Pour qui se prend-il ? Il aurait pu quand même me rendre mon salut. »

Au travail, Michèle se sent démotivée ; son manager ne l’a jamais félicitée alors qu’elle travaille d’arrache-pied. « J’ai souvent le sentiment qu’en faire deux fois plus que mon voisin ne sert à rien. C'est décourageant pour les personnes compétentes et motivées ! »

Nous avons tous besoin de signes de reconnaissance, expliquait Éric Berne, médecin psychiatre américain. Le signe de reconnaissance (stroke en anglais) est un message que j’envoie à l’autre pour lui signifie que pour moi il existe, il est présent. Un signe de reconnaissance répond à la soif d’être reconnu, à un besoin très important pour chacun nous, que ce soit dans le domaine professionnel ou privé.

Un signe de reconnaissance peut être :
- verbal : « Bonjour William ! » ou non verbal : un hochement de tête,
- positif : « Michèle, vous avez fait un travail remarquable ! » ou négatif : « Encore en retard, comme d’habitude… »
- conditionnel, il concerne des actions ou des comportements de la personne : « Ton gâteau n’est pas une réussite ! » ou inconditionnel, concernant l’être de la personne: « Tu es quelqu'un de bien. »

Dans la pratique, les choses ne sont pas simples, car souvent le signe de reconnaissance est « filtré » par son destinataire : « C’est super, ce que tu as réalisé », dit son chef à Michèle, qui rétorque : « Oh, c’est trois fois rien ! » et amoindrit ce compliment qu’elle a du mal à recevoir.

Les signes de reconnaissance obéissent à une règle humaine fondamentale : mieux vaut un signe de reconnaissance négatif que pas de signe de reconnaissance du tout ; autrement dit : tout mais pas l’indifférence. La soif de reconnaissance est un besoin vital : s’il a le sentiment que ses parents ne font pas assez attention à lui, un enfant n’hésitera pas à faire une bêtise, même s’il doit se faire gronder. De la même façon, un adulte qui se sent mis à l’écart d’une réunion de travail pourra mettre en place des stratégies plus ou moins conscientes pour se faire remarquer en faisant du bruit avec sa chaise ou en renversant son verre…

Il n’y a pas de bons ou de mauvais signes de reconnaissance. Il est aussi important de féliciter quelqu’un qui vient de réussir, que de marquer son désaccord sur une initiative ou de critiquer une réalisation. Mais, que ce soit pour le parent qui regarde le travail scolaire de son enfant, ou pour le manager qui commente un rapport de son collaborateur, il faut apprendre à formuler sa critique de façon constructive. Commencer toujours par ce que l'on a trouvé de bien dans le travail. On place ainsi l’interlocuteur dans une meilleure posture pour écouter ce qui ne va pas ou moins bien.

Pour aller plus loin...

Il y a quelques années, lors d’un séjour professionnel aux États-Unis dans plusieurs sites d’une filiale de la PME européenne qui m’employait, j’ai été surpris par la quantité de signes de reconnaissance distribués. J’ai entendu les discours des managers, j’ai vu les récompenses symboliques distribuées par la Direction à la suite d’opérations réussies et fièrement épinglées aux murs dans les bureaux. J’ai même assisté à une petite cérémonie lors de laquelle un ouvrier, qui partait en retraite après une vingtaine d’années de travail dans l’entreprise, a reçu des mains du directeur du site un vélo de randonnée, sous les applaudissements de tous ses collègues : très ému, l’ouvrier aux cheveux grisonnants en avait les larmes aux yeux ! Je pourrais ainsi continuer la liste de nombreux petits détails visant à valoriser publiquement le travail et l’effort de chacun, sans obligatoirement passer par le salaire. D’après mes collègues sur place, ce genre de pratiques est très courant dans les entreprises américaines.

Bien sûr, certains de mes collègues français, eux, regardaient ce type de management avec un œil critique en émettant des commentaires du genre : « C’est de la manipulation, moi je ne marche pas dans ces combines… » ou bien : « C’est pour mieux faire passer la pilule : tu verras, l’an prochain, il n’auront pas d’augmentation de salaire… » Les Français ont un sens critique développé et ont souvent tendance à anticiper les mauvais coups, et pas tellement les bonnes choses. Mais est-ce toujours la meilleure façon de réagir ?

Je suis persuadé que le fait de donner des signes de reconnaissance à ceux que nous côtoyons apporte une véritable amélioration à la vie en commun. Cela, non seulement dans l’univers professionnel, mais dans tous les domaines où nous devons être en relation avec les autres. Un lieu particulièrement révélateur de cet état d’esprit, c’est la famille. En tant que coach, j’entends de nombreuses histoires de famille – même dans un coaching professionnel, il peut arriver que des questions familiales surgissent dans l’échange – et je suis frappé par la quantité de tensions familiales ou de conflits liés au fait qu’une ou plusieurs personnes ne reçoit pas ou n’a pas reçu par le passé suffisamment de signes de reconnaissance.

Je l’affirme pour en avoir fait l’expérience depuis de nombreuses années : le simple fait de donner des signes de reconnaissance à ceux qui nous entourent résout un bonne proportion des problèmes que nous rencontrons, pas seulement sur le plan relationnels mais aussi sur le plan technique. En effet, les problèmes techniques se résoudront d’autant mieux que les parties prenantes ont la possibilité d’échanger leurs points de vue en confiance. Et le fait de donner des signes de reconnaissance améliore le climat de confiance – à condition bien sûr que cette pratique ne soit pas utilisée mécaniquement, comme un outil destiné uniquement à augmenter la rentabilité de l’entreprise.


Et vous, quels signes de reconnaissance distribuez-vous ? Si ce n’est pas dans vos habitudes, essayez pendant une semaine, ne serait-ce que dans un domaine limité : vous serez probablement surpris des résultats !


Renaud CHEREL


Voir aussi dans ce blog :
    Gratitude
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