Réflexions d'un coach spécialisé dans les transitions, à partir des événements et rencontres de la vie quotidienne...

lundi 8 juillet 2013

Une ambiguïté nécessaire

Sur ce dessin, distinguez-vous un musicien ou un visage ?
Nous avons vu, lors du message précédent, que la plupart des mots employés dans les circonstances de la vie courante sont comme enveloppés de connotations diverses. Certains linguistes affirment que seuls ces mots « ordinaires » sont ainsi connotés, à la différence des mots scientifiques, qui, eux, ne conservent que la dénotation. Ces derniers sont certes plus précis, mais ils sont souvent eux aussi connotés, colorés par l’histoire et l’expérience de leurs inventeurs. Par exemple, le mot « dinosaure » a été forgé en 1842 par le paléontologue Richard Owen à partir du grec deinos, « terriblement grand », et sauros, « lézard ». Le terme est resté, alors qu’on a découvert depuis des dinosaures de petite taille, pas plus grand qu’un poulet. Par ailleurs, le scientifique qui utilise ce mot va le colorer par son expérience personnelle et professionnelle.

Cette ambiguïté de la langue, en tant qu’ensemble articulé de mots, est souvent présentée comme un inconvénient qui peut faire obstacle à la clarté de ce qui est dit. C’est vrai dans une certaine mesure, et cela peut conduire à des interprétations erronées ou à des contresens ayant parfois des conséquences graves, quand il s’agit par exemple de l’exécution d’une tâche dans un domaine sensible : une opération militaire, le contrôle du trafic aérien, une intervention chirurgicale... D’où la nécessité d’utiliser des procédures avec un vocabulaire défini à l’avance, dans un contexte précis. Dans la vie courante, ou dans les métiers de relations humaines, la reformulation est un excellent outil pour lever les ambiguïtés : en reformulant avec mes propres mots ce que j’ai entendu, je m’assure d’avoir saisi le sens voulu par mon interlocuteur.

Les langages artificiels conçus par l’homme pour communiquer avec les machines sont formalisés et non ambigus. Mais en travaillant sur l’intelligence artificielle, les spécialistes se sont aperçu que les langages informatiques classiques, non ambigus, limitaient considérablement la souplesse de réaction de la machine face à des stimuli variés : c’est ainsi que l’on a été amené par exemple à poser les notions de logique floue, qui permettent de raisonner sur des variables qualitatives et non pas quantitatives.

À l’inverse, s’il n’existe pas de langage naturel humain sans ambiguïté, c’est que cette propriété permet de mieux approcher le réel avec toutes ses nuances. Voyant une tomate rouge foncé, je dis que cette tomate est très mûre. Si je voulais étudier plus scientifiquement l’état de maturité de la tomate, il me faudrait définir par exemple une échelle de couleurs allant du vert au rouge foncé, puis attribuer un libellé à chaque couleur et enfin situer la couleur de ma tomate sur cette échelle. Je dirais à mon collègue : « La maturité de cette tomate correspond à l’indice 18.4 dans l’échelle de Tartempion ». Pourtant, dans la vie courante, l’expression subjective « très mûre », qui n’a probablement pas le même sens pour mon interlocuteur que pour moi, lui permet d’approcher suffisamment le sens de ce que je voulais dire.

D’où l’on voit qu’une certaine ambiguïté est nécessaire à la communication… Qu’en pensez-vous ?


Renaud Cherel


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Liens externes :
Si vous êtes intéressé(e) par la logique floue, vous pouvez lire l’article introductif suivant :

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