Ambiguïtés du langage (dessin R Cherel) |
Prenons
par exemple le mot formidable, qui vient du latin formido signifiant crainte, effroi, terreur : à
l’époque de la Renaissance, formidable désignait ce qui inspire une grande crainte. Il
était synonyme d’effrayant, redoutable, terrible. Puis, au XIXe siècle, sa
signification a été restreinte : ce dont la taille, la force, la puissance
est très grande ; il était alors synonyme de puissant, considérable,
stupéfiant. Actuellement, c’est devenu un superlatif exprimant l’admiration,
synonyme de fabuleux, fantastique, génial…
Ensuite
– et ce sont les travaux des psychanalystes qui ont révélé cet aspect – notre
inconscient, féru de jeux de mots, opère constamment des déplacement de sens,
des inversions, des associations, des métaphores... Il va jouer avec la
prononciation des mots : ainsi, pour un locuteur français, le mot mère peut être rapproché de mer ou encore maire (ce qu’on appelle des
homophones), mais aussi d’autres mots par l’intermédiaire d’expressions orales.
Ainsi, « c’est ta mère » peut être entendu comme « c’est
amer » ; « ma mère » comme « mammaire » ;
« ô mère » comme « Homère », etc. Notez que, dans une
langue étrangère, les correspondances ci-dessus n’existent pas, mais sont remplacées par
d’autres. Par conséquent, la traduction d’un mot ne peut jamais être exacte,
car le cortège d’associations évoquées est différent d’une langue à l’autre.
Enfin,
le mot est revêtu d’une couche personnelle de sens : il transporte avec
lui les circonstances dans lesquelles il a été reçu par le locuteur. Quand un sujet
prononce le mot « mère », ce mot évoque pour lui une certaine image –
en général sa propre mère – laquelle s’accompagne d’une certaine ambiance
émotionnelle liée à sa propre enfance. S’il a le souvenir d’une enfance heureuse
et d’une mère aimante, il est probable que les connotations seront
positives ; à l’inverse, si son enfance a été malheureuse, il est fort
possible que le mot « mère » soit connoté plus négativement, par
exemple en lien avec le mot « amer ». De plus, cette couche
personnelle évolue avec l’histoire du locuteur : par exemple, les
connotations attachées au mot « mère » sont souvent différentes après
le décès de celle-ci. Pour une femme qui devient mère à son tour, le sens du mot
s’enrichit d’une connotation nouvelle liée à sa propre expérience de la
maternité.
Cette
ambiguïté des mots est-elle un obstacle à la communication, ou bien
favorise-t-elle la relation ? Nous examinerons cette question dans le prochain message.
Renaud Cherel
Renaud Cherel
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Ambiguité linguistique
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