Faustin est dentiste : c’est une belle profession, une
activité intéressante à la fois sur le plan de la théorie et de la pratique, et
qui assure en général un revenu confortable. Faustin a donc tout lieu d’être
satisfait sur le plan professionnel ; et pourtant, arrivé autour de
quarante ans, il ressent une sourde insatisfaction : lors d’un travail de
développement personnel, il réalise qu’être dentiste, c’était le rêve de son
papa… mais pas le sien. Il a fait toutes ses études et il s’est installé pour
répondre à la demande de son père, un employé modeste qui s’est projeté dans la
réussite de son fils.
Jasmine a de grandes facilités intellectuelles, et à l’école
elle se situait en tête de classe sans fournir d’effort particulier. Ses
parents nourrissaient de grandes ambitions pour elle, mais à la fac, elle a
délaissé ses études pour d’autres priorités. Elle vit aujourd'hui de petits
boulots tandis que son compagnon touche encore pour quelques mois de maigres
allocations chômage. Elle explique qu’elle a rejeté toutes les valeurs
bourgeoises de sa famille pour être plus authentique, mais au fond elle ne se sent
pas très bien dans sa peau.
Dans le langage courant, les parents disent volontiers
« Mes enfants… » : sous une apparence anodine, cette formulation
peut laisser entendre que les enfants appartiennent à leurs parents. Pourtant,
tout être humain a un droit inaliénable à la liberté et à la dignité, et par
conséquent il n’appartient à personne, pas même à ses propres parents. Les
parents ne possèdent pas leurs enfants : ceux-ci leur sont confiés et ils
n’ont donc pas le droit d’en faire ce que bon leur semble. Inversement – et
c’est là toute la difficulté de leur tâche – ils ont la responsabilité de leur
enfant et doivent se substituer à lui pour prendre les décisions nécessaires
avant qu’il ait atteint sa majorité, la règle étant que ce soit pour le bien de
l’enfant.
Il leur faut donc sans cesse naviguer entre deux écueils.
Trop lâcher, et c’est l’anarchie ; l’enfant-roi, n’ayant rien ni personne
contre qui ou contre quoi s’opposer, ne peut pas se construire une personnalité
solide, il cède à la moindre de ses envies, il devient prisonnier de ses désirs
immédiats et ne respecte ni les autres, ni les règles sociales.
Trop durcir, et c’est l’enfermement, conduisant l’enfant à
choisir entre deux attitudes opposées : soit il entre dans la soumission
et il aura du mal, plus tard, à s’affirmer comme un adulte libre et
responsable ; soit il se révolte. Cette réaction, selon la façon dont elle
évolue, peut elle-même conduire à une construction de soi, où le jeune puis
l’adulte choisit ce qu’il prend et ce qu’il laisse de côté, ou bien à un rejet
en bloc de la société et de ses codes et une vie sociale difficile.
J’aime bien cette phrase de Khalil Gibran : « Vos
enfants ne sont pas vos enfants, ils sont les fils et les filles de l’appel de
la vie à la vie elle-même. » Qu’en pensez-vous ?
Renaud Cherel
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Rêve de liberté (R. Cherel) |
Renaud Cherel
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